Décrit par Hésiode comme la plus monstueuse des divinités, dont le seul rôle, ou presque, aurait été de s’opposer à Zeus et d’être vaincu par lui, Typhon ou Typhée est associé à des légendes plus complexes par d’autres auteurs. Il a été assimilé au dieu égyptien Seth et, par les commentateurs chrétiens, au diable.

Typhon

Typhon, sur une peinture murale étrusque

Typhon (ou Typhée) fait partie des divinités les plus énigmatiques et les plus intéressantes de la mythologie grecque.

Il est connu sous plusieurs noms, ou plutôt, sous des déclinaisons différentes d’une même racine, Typh- (Τυφ-, qui signifie fumée) : Typhaon (Τυφάον), Typhôeus (Τυφωεύς), Typhôn (Τυφῶν). On trouve parfois différentes graphies chez un même auteur, sans que cela veuille signifier qu’il s’agit de divinités différentes.

Chez le très orthodoxe Hésiode, Typhon apparaît immédiatement après la victoire de Zeus et des divinités olympiennes sur les Titans, et il laisse entendre que sa mère la Terre, Gaïa, ne l’a enfanté que pour tirer vengeance de Zeus qui s’est soulevé contre les Titans, les enfants de Gaïa-la-terre, leur a ravi le pouvoir et les a précipités dans le Tartare.

C’est d’ailleurs avec ce même Tartare que Gaïa s’unit pour concevoir Typhon. Il est le dernier enfant de la Terre et l’unique descendant du Tartare.

Cette filiation est acceptée par la plupart des auteurs. Toutefois, il existe une autre légende concernant la naissance de Typhon, légende que l’on peut lire dans l’hymne homérique à Apollon : Héra, épouse de Zeus, jalouse que celui-ci ait conçu Athéna sans l’intervention d’une divinité féminine, a mis au monde seule, sans mâle, Typhon. Aussitôt après l’avoir mis au monde, Héra confia cet enfant horrible au serpent-femelle Delphyné (ou Python) à Delphes, qui n’avait pas encore été terrassé par Apollon. Il existe donc une identité profonde entre Typhon et le dieu forgeron Héphaïstos, qui, selon certaines légendes (notamment chez Hésiode), a été mis au monde par la même Héra et de la même manière. Les deux divinités, Typhon et Héphaïstos, sont par ailleurs liés, comme on le verra, au volcan Etna, où Héphaïstos avait ses ateliers.

Typhon est décrit dans les textes comme une divinité terrible, à l’aspect effrayant, persqu’inimaginable :

« Les vigoureuses mains de ce dieu puissant travaillaient sans relâche et ses pieds étaient infatigables ; sur ses épaules se dressaient les cent têtes d’un horrible dragon, et chacune dardait une langue noire ; des yeux qui armaient ces monstrueuses têtes, jaillissait une flamme étincelante à travers leurs sourcils ; toutes, hideuses à voir, proféraient mille sons inexplicables et quelquefois si aigus que les dieux même pouvaient les entendre, tantôt la mugissante voix d’un taureau sauvage et indompté, tantôt le rugissement d’un lion au coeur farouche, souvent, ô prodige ! les aboiements d’un chien ou des clameurs perçantes dont retentissaient les hautes montagnes. » (Hésiode, Théogonie)

« Les Dieux ayant vaincu les Géants, la Terre, encore plus irritée, coucha avec le Tartare, et mit au monde dans la Cilicie Typhon, qui était à moitié homme et à moitié bête féroce. Il surpassait, en force et en grandeur, tous ceux qu’elle avait produits jusqu’alors. Il avait la forme d’un homme pour la moitié supérieure du corps, et surpassait en hauteur les plus hautes montagnes. De sa tête il touchait souvent aux astres ; de ses mains, l’une touchait au levant, l’autre au couchant, et il en sortait cent têtes de serpent ; de ses cuisses sortaient des vipères nombreuses, qui, en formant des replis tortueux, l’entortillaient jusqu’à la tête, et faisaient entendre des sifflements effroyables. Tout son corps était couvert de plumes; des crins épais et mêlés flottaient sur sa tête et sur ses joues ; ses regards étaient enflammés : étant tel et si puissant, et lançant contre le Ciel des pierres enflammées, il s’y portait avec des sifflements et des cris, et des torrents de flammes sortaient de sa bouche. » (Bibliothèque d’Apollodore)

Les enfants de Typhon

On lui prête une descendance de monstres de formes diverses, qu’il eut avec un autre monstre, femelle celui-là, Echidna, dont le nom signifie Vipère :

– Orthros, le chien de Géryon,
– Cerbère, le chien à trois têtes d’Hadès et gardien des enfers,
– l’Hydre de Lerne, qu’Héra éleva,
– la Chimère à trois têtes, dont l’avant du corps était celui d’un lion, l’arrière d’un serpent ou d’un dragon, et d’une chèvre entre deux.

Telle fut la descendance de Typhon et d’Echidna selon Hésiode. Les Fables d’Hygin et la Bibliothèque d’Apollododre nous donnent en outre :

– le dragon qui garde le jardin des Hespérides,
– l’aigle du Caucase qui suppliciait Prométhée dans les Enfers,
– le monstre femelle Sphinx (ou Sphynge, également nommée Phix), qui terrorisait Thèbes,
– Phaïa, la truie monstrueuse de Crommyon,
– le dragon qui gardait la Toison d’Or en Colchide.
– Scylla, qui fut à l’origine une belle jeune fille, et fut aimée de Poséidon.

Tous ces enfants de Typhon furent tués par Héraclès au cours de ses travaux, à l’exception de Chimère, qui fut terrassée par Pégase, du Sphinx qui se précipita du haut de rochers lorsque Œdipe eut résolu son énigme, de Phaïa, tuée par Thésée, et du dragon de Colchide, par Jason.

Après qu’il fût précipité dans le Tartare (selon Hésiode), Typhon engendra les vents mauvais, à l’exception de Notus, Borée et Zéphyr, car ces trois vents sont utiles aux hommes. Tandis que les vents issus de Typhon étaient de ceux qui "agitent la mer, se précipitent sur ses sombres vagues et causent des maux nombreux aux mortels en excitant de violents orages. Tantôt, souffllant de tous les côtés, ils dispersent les navires et font périr les matelots : alors il ne reste plus d’espoir de salut aux infortunés qui les rencontrent sur la mer ; tantôt, déchaînés sur l’immensité de la terre fleurie, ils détruisent les brillants travaux des hommes nés de son sein en les couvrant d’une poussière épaisse et d’une paille aride." (Hésiode, Théogonie)

Typhon à l’assaut de l’Olympe

La Bibliothèque d’Apollodore décrit succintement l’attaque de l’Olympe par Typhon :

Les Dieux le voyant escalader le Ciel, s’enfuirent dans l’Egypte, en prenant les formes de toutes sortes d’animaux. Tant que Typhon fut éloigné, Zeus le frappait à coups de tonnerre; mais lorsqu’il se fut approché, il l’épouvanta avec une faux de diamant, et l’ayant mis en fuite, il le poursuivit jusqu’au mont Casius, qui est au-dessus de la Syrie. Là, le voyant blessé, il en vint aux mains avec lui ; mais Typhon l’ayant enlacé dans ses replis de serpent, s’empara de lui, et lui ayant pris sa faux, lui coupa les nerfs des pieds et des mains, et l’ayant mis sur ses épaules, il le porta à travers la mer dans la Cilicie, où il le déposa dans l’antre Corycien&nbsp:; il y mit aussi ses nerfs enveloppés dans une peau d’ours, et y laissa, pour le garder, Delphyné, qui avait la moitié du corps d’une femme, et l’autre moitié d’un serpent. Hermès et Ægipan ayant dérobé ses nerfs, les lui rajustèrent en secret; Zeus ayant alors recouvré toutes ses forces, partit de l’Olympe sur un char attelé de chevaux ailés, et poursuivit Typhon en le foudroyant jusqu’au mont appelé Nysa : là les Parques trompèrent Typhon, et lui faisant croire qu’il acquerrait de nouvelles forces, elles lui firent manger des fruits éphémères. Zeus revenant à sa poursuite, il s’enfuit en Thrace près du mont Hœmus, et de là il lançait en combattant des monts entiers contre Zeus ; ce dernier les lui repoussant par des coups de tonnerre, Typhon y perdit beaucoup de sang, et ce fut delà, dit-on, que cette montagne prit son nom. Essayant ensuite de fuir à travers la mer de Sicile, Zeus lui jeta l’Etna dessus. Cette montagne est d’une hauteur prodigieuse ; et le feu qu’elle jette depuis ce temps-là provient des tonnerres qui l’enflammèrent alors.

Antoninus Liberalis, dans ses Métamorphoses, donne quelques précisions quant aux dieux qui fuirent en Egypte par peur de Typhon : « Apollon devint un faucon, Hermès un ibis, Arès un poisson, le lepidotus, Artemis un chat, Dionysos prit l’apparence d’un bouc, Héraclès un faon, Hepaïstos un boeuf et Leto une musaraigne. Les autres dieux se transformèrent en ce qu’ils pouvaient. Le poète latin Ovide ajoute qu’Héra se transforma en génisse, Aphrodite en poisson, que ce fut en corbeau et non en faucon que se transforma Apollon et que zeus lui-même s’enfuit en Egypte avec les autres dieux, qu’il se transforma en bélier et que c’est pour cela que les Lybiens (nom qui désignait dans l’Antiquité toute l’Afrique du nord) adoraient Zeus sous le nom du dieu-bélier Ammon.

Si Hésiode place Typhon vaincu dans le Tartare, la plupart des mythographes, quant à eux, admettent que Typhon a été enseveli sous l’Etna par Zeus.

Typhon et l’Egypte

La fuite des dieux en Egypte n’est pas le seul lien de Typhon avec ce pays : son nom même serait d’origine égyptienne, et il serait l’un des nom de Seth, le dieu chacal, éternel ennemi d’Horus et figure du mal dans la religion égyptienne.

Les commentateurs chrétiens ont vu dans Typhon une incarnation du mal et l’ont identifié au serpent qui séduisit Eve dans le jardin d’Eden.