Qu’on la nomme "belle Hélène", "Hélène de Troie", "Hélène de Sparte", "Hélène d’Egypte", "fille de Léda" ou "la plus belle femme du monde", c’est toujours à la protégée d’Aphrodite et à la fille spirituelle de Pandore que l’on se réfère. Son histoire, qui fascina poètes, historiens de l’Antiquité et mythographes, est une épopée de femme. Que personne n’a jamais racontée dans sa totalité.

Hélène et Pâris, d'après un vase grec

Hélène et Pâris, d’après un vase grec.

La longue histoire d’Hélène, qui commence avec les amours de Zeus et de Némésis et se termine dans une île de la Mer Noire, a été évoquée à de nombreuses reprises dans les textes antiques.

Hélène chez Homère

Elle eut un rôle central dans la Guerre de Troie et c’est Homère, notre plus ancien "mythographe" qui nous apprend qu’Hélène, fille de Zeus, était l’épouse du roi de Sparte Ménélas. Elle fut enlevée par Pâris, prince de Troie et, pour la récupérer, les rois grecs, dirigés par Agamemnon, frère de Ménélas, engagèrent la légendaire (et peut-être historique) guerre de Troie, dont le siège dura 10 années.

Dans l’Iliade, nous la voyons, voilée de blanc, du haut des remparts de Troie, nommer et décrire aux Anciens de Troie les rois grecs engagés dans la bataille. Nous la voyons pleurer sur le cadavre d’Hector. Dans l’Odyssée, elle assiste aux noces de sa fille unique Hermione avec Pyrrhus, fils d’Achille, et elle avouera avoir trahi les Troyens, en ne révélant pas la présence d’Ulysse dans les murs de la cité. Toujours, sa beauté subjugue, mais elle est detestée par la plupart des Troyens, et seuls le vaillant Hector et le vieux Priam savent qu’elle n’a été que le jouet des dieux, résolus à perdre Troie.

Ce n’est plus la femme éprise du beau Pâris que nous décrit Homère, mais une femme pleine de nostalgie pour son ancienne vie, et pour Ménélas… Son éloge sur le corps d’Hector est ambigu et plutôt accusateur pour une famille qui ne l’aimait pas. Homère nous la décrit souvent tissant, comme Pénélope.

Il faut consulter beaucoup de textes anciens pour reconstruire cette histoire complexe, pleine de contradictions et surtout riche d’aventures.

Léda était l’épouse du roi Tyndare de Sparte. Elle fut aimée de Zeus qui se transforma, pour la séduire, en cygne. Et, la même nuit, elle s’unit aussi à son époux Tyndare. Lorsqu’elle pondit, à leur terme, deux oeufs, il en sortit 4 enfants, dont deux, Hélène et Pollux, étaient enfants de Zeus. Les deux autres, une fille, Clytemnestre et un fils, Castor, étaient les enfants de Tyndare. Castor et Pollux, connus sous le nom de "Dioscures", s’illustrèrent au cours de nombreuses aventures.

Mais d’autres poètes font d’Hélène la fille de Némésis, la vengeance divine et fille de la nuit. Némésis fut aimée de Zeus et, pour lui échapper, elle se transforma en toutes sortes de créatures, pour finalement prendre la forme d’une oie sauvage. Aussitôt, le dieu se métamorphosa en cygne et s’unit à elle. Il en naquit un oeuf, que trouvèrent des bergers. Ceux-ci le confièrent à la reine Léda qui l’enferma dans un coffre. Selon certains, il en naquit Hélène et les Dioscures et, selon d’autres, Hélène seulement, qui grandit rapidement en beauté et que Léda et Tyndare élevèrent comme leur propre fille.

Homère, malheureusement, ne nous éclaire pas beaucoup plus sur la généalogie d’Hélène : il en fait la fille de Zeus, mais ne cite ni Léda, ni Tyndare. Pour lui, Léda et Tyndare eurent ensemble les Dioscures Castor et Pollux, sans aucune intervention divine.

La beauté d’Hélène n’avait pas échappé à Thésée et à son ami Pirithoos qui décidèrent de l’enlever. L’occasion se présenta alors que la toute jeune fille était au temple d’Artémis, en train d’offrir des sacrifices. Thésée, prince athénien, voulut la ramener dans son palais, mais les Athéniens craignaient de couvrir le rapt d’Hélène. Alors Thésée retourna dans le palais de sa mère Aethra, à Aphidna (ville de l’Attique proche d’Athènes), et lui confia Hélène.

Lorsqu’Hélène fut en âge de se marier, et Thésée avait gardé la ferme intention d’en devenir le mari, Pirithoos le décida à l’aider à lui trouver une épouse, une autre fille de Zeus. Celui-ci, par dédain, engagea les deux hommes à descendre au Tartare pour enlever rien moins que Peséphone, épouse d’Hadès, dieu des Enfers. Et c’est lorsqu’ils partirent pour ce royaume des morts que les Dioscures, à la tête d’une armée, entreprirent de récupérer Hélène. Ils partirent d’abord pour Athènes, qu’ils ravagèrent, la cité et toute la région de l’Attique, lorsque les Athéniens se déclarèrent incapables de la leur rendre ni de leur dire où elle se trouvait. Un habitat de Décélie, finalement, leur confia qu’Hélène se trouvait à Aphidna, chez la mère du héros. Mais ils ne traitèrent pas Aphidna comme ils l’avaient fait de l’Attique et se comportèrent au contraire très noblement, allant jusqu’à participer aux mystères d’Eleusis que l’on célébrait dans cette ville. On leur rendit Hélène sans qu’il fut besoin de verser le sang. Et, à leur retour des Enfers, plusieurs années plus tard, après de nombreuses aventures, ni Thésée, ni Pirithoos, ne put épouser une fille de Zeus. Mais, selon certains, Thésée n’aurait pas respecté la jeune fille, qui lui aurait donné une fille, Iphigénie. Celle-ci joue un rôle au début de la Guerre de Troie.

De retour à Sparte, Hélène, pour sa beauté comme pour la richesse du royaume de Sparte, et malgré son aventure, eut de nombreux prétendants. Tous les princes de la Grèce se présentèrent, sauf Achille – on ne sait trop pourquoi…

Devant tant de prétendants, il y avait un risque certain de voir les choses s’envenimer par trop de déceptions lorsque l’élu serait désigné. C’est l’ingénieux Ulysse qui conseilla Tyndare : il fit prêter serment aux prétendants, un serment selon lequel ils s’engageaient à respecter le choix d’Hélène et à porter secours au vainqueur si celui-ci en avait besoin. C’est ce serment que leur rappela Ménélas lorsque Pâris enleva Hélène et qui les entraîna dans la guerre de Troie.

Hélène choisit Ménélas, qui devint l’héritier de Tyndare au trône de Sparte. Les époux eurent une fille, Hermione. Tout paraissait pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais c’était compter sans les tours d’Aphrodite. La déesse avait promis à Pâris l’amour de la plus belle femme du monde, et c’est ce qu’elle lui donna. Pâris, aidé d’Aphrodite, s’embarqua pour Sparte et fut reçu chez Ménélas. Lorsque celui-ci fut appelé en Crète pour assister aux funérailles de Catrée, la voie était libre et Pâris enleva Hélène. Selon certains, c’est Tyndare lui même qui confia à Pâris la main d’Hélène, et, selon d’autres, Aphrodite donna à Pâris les traits de Ménélas pour mieux séduire Hélène.

Le voyage vers Troie passa par l’Egypte, à l’autre bout de la Méditerranée, patrie du roi Protée. Il leur donna d’abord l’hospitalité, mais, lorsqu’il apprit leur histoire, il en fut tellement choqué qu’il garda Hélène près de lui, en Egypte (et c’est ainsi qu’on la nomme parfois "Hélène d’Egypte") et il renvoya avec Pâris un fantôme aux traits d’Hélène, créature qu’il fabriqua grâce à sa magie. Cette histoire, qu’Homère ne connaissait pas, fut révélée, dit-on, par Hélène elle-même.

En effet, bien longtemps après ces évènement, tous les héros de cette histoire étant morts depuis longtemps, un poète grec du nom de Stésichore avait critiqué sévèrement, sous la forme d’un poème satyrique, la conduite d’Hélène. Peu de temps après, il fut frappé de cécité. C’est un homme de Crotone, nommé Léonymos, qui permit à Stésichore de recouvrer la vue.

Léonymos fut le premier à visiter une certaine île, baptisée Leucippé, l’île Blanche, située à l’embouchure du Danube dans le Pont-Euxin (aujourd’hui, la Mer Noire). C’est une île de 20 stades de circonférence, recouverte de forêts, grouillante de gibier et de bétail, où se dresse un temple au héros Achille. Et là, il vit Achille, et Ajax fils d’Oïlée et Ajax fils de Télamon, Patrocle et Antilochos. Et il vit enfin Hélène, mariée à Achille, qui lui demanda de faire voile vers Himéra, où se trouvait le poète aveugle, pour lui annoncer que sa cécité avait pour cause sa propre colère.

Dès que le poète Stésichore se rétracta en public, il recouvrit la vue.

Une vision médiévale d'Hélène

Une vision médiévale d’Hélène : son arrivée à Troie avec Pâris.

Pâris, accompagné de son fantôme, poursuivi son voyage vers Troie et s’arrêta à Sidon, en Phénicie, dont Pâris pilla le palais, puis à Chypre, l’île d’Aphrodite. Lorsqu’il arriva enfin à Troie, ses parents Priam et Hécube furent émerveillés de la beauté d’Hélène, mais, déjà, des ambassadeurs arrivaient au palais pour réclamer le retour de l’épouse de Ménélas. Devant le refus obstiné de Pâris de rendre Hélène, et malgré la foule des Troyens qui réclamaient le départ de la belle spartiate, la guerre ne tarda pas à éclater.

Selon Homère, qui ne connaissait pas l’histoire du fantôme créé par Protée, l’attitude d’Hélène était devenue nettement favorable aux Grecs, du moins lorsque la fin de Troie fut proche. Elle pleure son époux Ménélas avant d’aller le guetter du haut des remparts de Troie, pendant la bataille. Elle ne trahit pas Ulysse lorsque celui-ci, déguisé en mendiant, entra dans la cité pour l’espionner, et alla même jusqu’à l’aider quand il revint, plus tard, pour dérober la statue d’Athéna qui protégeait la ville et que l’on nommait le Palladion. Enfin, elle agita le flambeau qui déclancha l’ultime attaque des Grecs.

Son retour à Sparte fut mouvementé et dura 8 années au cours desquels elle connut la faim et frôla la mort. Le capitaine qui guidait le navire fut mordu par un serpent et en mourut lorsqu’ils furent jeté sur la côte d’une île d’Egypte. En son honneur, ils baptisèrent l’île du nom du capitaine, Pharos. Et c’est ainsi que tous les "phares" du monde portent le nom de ce capitaine…

Il existe de nombreuses versions de la mort d’Hélène, toutes contradictoires, impliquant ou non Ménélas. Quoiqu’il en soit, sans doute parce qu’elle était fille de Zeus, elle ne rejoignit pas les Enfers après sa mort, mais l’île Blanche que nous avons citée, au large de l’embouchure du Danube où son ombre, accompagnée de celle de son dernier mari, Achille, profitent à jamais de plaisirs qui n’ont rien de céleste…