Le Tartare, mot à l’étymologie incertaine, est la plus terrible partie des Enfers, crainte même des dieux. C’est là que sont enchaînés les immortels qui ont bravé l’Olympe, ainsi que quelques grands criminels, pour y subir des tourments éternels.

Généalogie

Le Tartare et ses supplices

Le Tartare et ses supplices.

Selon Hésiode, le Tartare surgit du Chaos avec Gaïa (la terre), et Eros (l’amour, l’attraction entre les êtres). Selon un mythographe plus tardif, Hygin, le Tartare serait issu de l’union entre la Terre et l’Éther (substance invisible remplissant le vide et dont le rôle est essentiellement de soutenir les corps célestes). Quoi qu’il en soit, les mythographes s’accordent pour faire du Tartare l’une des toutes premières entités apparues lors de la création du monde.

Hésiode accorde au tartare un seul enfant, Typhoeus (traduit par Typhon ou Typhée), le monstre que la Terre engendra pour venger ses enfants, défaits par Zeus et ses alliés au cours de la Gigantomachie. Selon Apollodore, il eut également de la terre la terrible Echidna.

Selon Hygin, ce serait du Tartare et non d’Ouranos le Ciel que Gaïa la Terre a eu les Géants. Cette tradition a au moins l’avantage de rendre compte de la différence de nature entre les Titans, enfants du Ciel, et les Géants.

Enfin, une tradition préservée par l’érudit byzantin Tzétzès rapporte que le Tartare aurait eu de Némésis (la vengeance divine) les Telchines, les démons de l’île de Rhodes.

Définition, description

Les Grecs nommaient Hadès, du nom même du dieu qui le gouvernait, le royaume des morts, que nous traduisons généralement par « les Enfers », qui regroupent en fait aussi bien l’équivalent de notre enfer que de notre paradis. Et l’enfer, c’est-à-dire, la partie du royaume des morts où les criminels sont châtiés, c’est le Tartare.

Comme Ouranos (le ciel) s’étendait au dessus de la Terre et était gouverné par l’alternance des jours et des nuits, ainsi le Tartare s’étendait sous la Terre, gouverné par l’Erèbe, les ténèbres infernales. Le Tartare était, en quelque sorte, l’opposé du Ciel par rapport à la Terre, son reflet dans le miroir terrestre.

Hésiode décrit le Tartare dans sa Théogonie comme aussi éloigné de la terre que le ciel : … car un même espace s’étend depuis la terre jusqu’au sombre Tartare. Une enclume d’airain, en tombant du ciel, roulerait neuf jours et neuf nuits, et ne parviendrait que le dixième jour à la terre ; une enclume d’airain, en tombant de la terre, roulerait également neuf jours et neuf nuits et ne parviendrait au Tartare que le dixième jour.

Pour l’anecdote, une enclume lancée dans le vide, dans un univers hypothétique doté d’une pesanteur égale à la pesanteur terrestre (constante gravitationnelle de 9,81 m / s2, hypothèse qui correspond certainement à ce que Hésiode avait en tête), cette distance parcourue par une enclume en 9 jours serait de 3 milliards de kilomètres, et la vitesse atteinte par l’enclume à la fin de son trajet serait de plus de 7000 kilomètres par seconde et aurait acquis une énergie d’environ 3 x 1015 joules (46 fois la bombe d’Hiroshima).

Toujours selon Hésiode, le Tartare est un « affreux abîme » entouré d’une barrière d’airain, où la nuit est plus sombre, et qui est battu par d’effroyables tempêtes. C’est là que la terre et la mer plongent leurs racines, et là aussi que toutes choses ont leur origine, leur fin et leurs limites, même le ciel, car c’est là que se tient, à l’entrée du palais de la Nuit, le géant Atlas, celui qui porte la sphère céleste. C’est là aussi que le Jour et la Nuit ont leur demeure, et y résident lorsqu’ils ne parcourent pas la terre, de même que les deux frères enfants de la Nuit, le Sommeil et la Mort, l’un ami des mortels, l’autre leur ennemi le plus abhorré.

Là vit aussi, dans un palais fameux, la rivière Styx, fille aînée d’Océanos, et sur laquelle les dieux eux-mêmes prêtent serment. Le beau palais qu’elle habite loin des autres dieux, s’élève couronné de rocs énormes et soutenu par des colonnes d’argent qui montent vers le ciel. » Parfois, la messagère Iris (dont le nom signifie arc-en-ciel) vient parcourir cet espace inhospitalier, afin de recueillir, dans un vase d’or, un peu de l’eau de la Styx : si un dieu, après avoir répendau cette eau, prononce un mensonge, alors il est pris, pendant une année, d’un engourdissement pénible et, pendant les neuf années suivantes, il est banni de la société de dieux.

C’est dans le Tartare, enfin, que le dieu Hadès, avec son épouse Perséphoné, ont leur palais, dont la porte « est confiée à la garde d’un chien hideux et cruel ; cet animal, par une méchante ruse, caresse tous ceux qui entrent en agitant sa queue et ses deux oreilles, mais il ne les laisse plus sortir, et les épiant avec soin, il dévore quiconque veut repasser le seuil du puissant Hadès et de la terrible Perséphoné. »

Note : Le terme « airain » est la traduction du grec chalcos (χαλκός) qui désigne aussi bien le cuivre que ses alliages courants : le bronze (alliage de cuivre et d’étain, dans lequel étaient fabriquées la plupart des armes et des outils avant l’acquisition des techniques de mise en oeuvre du fer – âge du bronze, âge du fer) et le laiton (alliages comprenant essentiellement du cuivre et du zinc).

Les premiers prisonniers du Tartare

Poséidon, dieu des mers, posa au Tartare des portes d’airain, au milieu de remparts infranchissables, et c’est pourquoi le Tartare sert aussi de prison aux dieux : c’est là que sont enfermés les divinités déchues qui se sont opposées aux divinités en place.

C’est là que furent enfermés les enfants d’Ouranos et de Gaïa, les Hécatonchires et les Cyclopes d’abord, puis les Titans. En fait, cette légende assimile le Tartare aux entrailles de la Terre : ses enfants ne furent pas mis au monde, leur père les empêcha de naître. Ce fut Cronos, le dernier né des Titans, qui libéra ses frères et soeurs : sur l’ordre de sa mère, il castra son père à l’aide la faucille de pierre.

Mais, dès qu’il eut pris le pouvoir, Cronos relégua à nouveau dans le Tartare les Hécatonchires et les Cyclopes.

C’est Zeus, le fils de Cronos, qui les libéra, après avoir tué leur gardienne Campé (une divinité dont on sait rien, si ce n’est cette légende), et qui en fit ses alliés. Il vainquit les Titans, puis les Géants et enfin Typhon, et toutes ces créatures et divinités qui s’étaient opposées à lui, il les relégua dans le Tartare, et ce, définitivement.

Les trois Moires, mieux connues sous leur nom latin de "Parques", terribles vieillardes qui filent le destin des humains, filles de Zeus et de la titanide Thémis, sont chargées de ramener à la lumière les héros qui entrent dans le Tartare : Dionysos, Héraclès (parce qu’il relaya Atlas pendant que celui-ci cherchait les pommes des Hespérides pour le héros), Thésée, Ulysse (lors de sa visite aux Enfers, qu’il fit pour connaître l’oracle du devin Tyrésias ; celui-ci lui apprit qu’il reviendrait à Ithaque, sa terre natale), Orphée…

Les prisonniers du Tartare : sous le règne de Zeus

Avec le règne des Olympiens, Zeus sur le Ciel, ses frères Poséidon sur la mer et Hadès dans les Enfers, le Tartare ne fut plus considéré que comme une partie des Enfers (encore appelé du même nom que son roi Hadès), mais la plus terrible, la prison des dieux et le lieu où étaient suppliciés les grands criminels :

Tityos

Bien qu’il fût fils de Zeus et de la princesse Elara, Tityos était un géant assez monstrueux, et sans doute assez stupide. Héra, jalouse de la titanide Létô et de sa relation amoureuse avec Zeus, encouragea en Tityos son désir pour Létô après que celle-ci eut mis au monde les deux enfants de Zeus Apollon et Artémis. Mais Zeus le foudroya et le prcipita dans le tartare où deux aigles lui dévorent le foie. Son supplice n’a pas de fin car, à chaque nouvelle lune, son foie renaît.

Ixion

Ixion était le roi des Lapithes (célèbres pour leur combat contre les Centaures) et son royaume s’étendait en Thessalie (région de la Grèce située à la frontière méridionale de la Macédoine). Il commit toutes sortes de forfaits.

Ixion courtisa Dia, la fille du roi Déionée. Pour arriver à ses fins, il promit au roi toutes sortes de présents, puis, après son mariage, quand le roi lui réclama les cadeaux promis, Ixion le précipita dans des charbons ardents.

Par cet acte, Ixion se rendit coupable de parjure et de meurtre, encore aggravé par le fait que Déionée était devenu, par le mariage, un membre de sa famille. Ixion fut, selon la légende, le premier être humain à avoir assassiné un membre de sa famille.

Mais Zeus le prit en pitié : il le purifia et lui offrit de l’ambroisie, nourriture des dieux, qui le rendit immortel.

Ixion, alors, se montra égal à lui-même : il tenta de violer Héra, l’épouse même de son bienfaiteur. mais celle-ci suscita une nuée à son image, et c’est avec ce simulacre que s’unit Ixion. Il en naquit la race de Centaures, créatures mi-hommes, mi-chevaux.

Cette foi, Zeus n’eut aucune pitié : il attacha Ixion à une roue, enflammée selon certains, couverte de serpents selon d’autres, et la lança dans le ciel selon les uns, dans le Tartare selon les autres. Et comme il était devenu immortel, Ixion n’a pas l’espoir que son tourment ne cesse jamais.

Phligyas

Phligyas était irrité contre Apollon qui avait séduit Coronis (elle mit au monde, suite à cette union, Esculape, héros qui gagna sa place auprès des dieux et devint celui de la médecine). Le roi Phligyas mit le feu au temple d’Apollon à Delphes et fut, pour ce crime, envoyé au Tartare, où un immense rocher est suspendu au dessus de sa tête et menace à chaque instant de se détacher.

Sisyphe

Sisyphe, fils d’Eole et conquérant de l’Elide, pour des raisons mal précisées, fut condamné à faire rouler une énorme pierre jusqu’en haut d’une montagne ; arrivée au sommet, la pierre roulait à nouveau vers le sol par la force de gravité, et le supplice de Sysiphe recommençait.

Les Danaïdes

49 des 50 Danaïdes, filles du roi Danaos, pour avoir assassiné leurs époux, fils de leur oncle Egyptos, au cours de leur nuit de noce. Elles étaient condamnées à remplir éternellement un tonneau percé.

Tantale

Le roi Tantale est puni dans le Tartare pour avoir servi aux Dieux la chair de son fils Pélops.