Le maniérisme, mot venant de l’italien «alla maniera», à la manière de, sous-entendu Michel-Ange, est un courant pictural apparu après le choc causé par les fresques de Michel-Ange pour la Chapelle Sixtine, sous-entendu également Raphaël et son École d’Athènes. Ce mouvement s’est diffusé dans toute l’Europe et a donné naissance au style baroque.

La Découverte du corps de Saint Marc, par Le Tintoret

Un chef-d’oeuvre emblématique du maniérisme : La Découverte du corps de Saint Marc (v. 1562) par Le Tintoret

Né vers 1530, le courant maniériste, largement influencé par les fresques de Michel-Ange et par certaines oeuvres particulières, telles l’École d’Athènes de Rapaël, s’est imposé dans toutes les capitales artistiques d’Europe jusqu’au début du XVIIe siècle, où il s’est «dissout» dans le Baroque. Il peut être caractérisé par une utilisation plus énergique et intentionnelle des couleurs, des corps aux postures plus accentuées, l’utilisation des lignes de l’architecture pour ouvrir l’espace et une manière plus libre de composer les portraits.

Mal compris (on l’assimile, en France, à un style «maniéré» et au style de l’Ecole de Fontainebleau), c’est pourtant de ce foisonnement que naîtra la maîtrise du mouvement et de l’espace dans la peinture. A la grâce glorifiée par Raphaël ou Léonard de Vinci, succèdent l’élan et le «geste».

Si les termes de «baroque» ou de «classique» sont assez bien connus, et vont jusqu’à nous évoquer des images, de dorures et de colonnes torses pour le premier, les admirables modénatures du château de Versailles pour le second, le mot de «maniérisme» reste mystérieux.

«Maniérisme» vient de l’italien «maniera» qui signifie «style», et plus exactement de l’expression «alla maniera», les noms de Michel-Ange et de Raphaël étant sous entendus. Ce terme n’évoque donc rien de «maniéré».

En 1512, lorsque fut dévoilée la voûte de la Chapelle Sixtine, à Rome, peinte par Michel-Ange (la fresque murale du Jugement dernier ne sera réalisée qu’en 1534), ce fut un choc dans le monde artistique. Après Raphaël et Léonard de Vinci, leur maîtrise, la beauté qu’ils rendaient, l’harmonie de leurs compositions, il semblait aux artistes que plus rien de neuf ou de «meilleur» ne pouvait être fait.

L'Enterrement du Comte d'Orgaz, par El Greco

Le maniérisme personnel et génial du Greco : l’Enterrement du Comte d’Orgaz (1585-1588)

C’est cet homme, ce Michel-Ange, qui n’était même pas vraiment peintre (il n’avait étudié qu’un an dans l’atelier du peintre Ghirlandaio), mais sculpteur, qui donna la voie d’une vision nouvelle. Il avait fondé, dans le domaine de la sculpture, un nouveau canon de beauté, et sa virtuosité le rendait capable de faire subir à ces corps toutes les torsions, au service de la ligne, dans l’optique de compositions larges et pleines de sens. Il maîtrisait parfaitement le dessin et l’anatomie, l’architecture et la perspective : sa Chapelle Sixtine est pleine d’espace et de mouvement.

Mais on ne doit pas négliger l’influence de Raphaël dans ce courant : son École d’Athènes, une fresque réalisée pour le bureau du pape, utilisant un décor architectural pour donner une impression d’espace et d’élévation, fut un élément majeur dans l’avènement du maniérisme. Plus tard, les portraits du Titien (1490 – 1576), prolongeant l’inspiration Raphaëlienne dans des mises en scène plus élaborées, constituèrent un autre affluent de ce courant.

Rome était alors l’un des principaux centres artistiques d’Europe, avec ces mécènes riches, généreux et grands amateurs d’art qu’étaient les papes et les cardinaux, issus des grandes familles italiennes. Malheureusement, l’un deux, le pape Clément VII, de la famille des Médicis, s’opposa à Charles-Quint (c’était après la publication des thèses de Luther et quelques années avant le Concile de Trente) et ce fut le brutal sac de Rome par les mercenaires du Connétable de Bourbon en 1527, qui donna lieu à pillages et exactions et qui vida Rome de ses artistes. Cette «migraton artistique» diffusa largement l’influence de Michel-Ange dans toute l’Italie : cette exploration de nouvelles voies artistiques par l’imitation (au sens large) de Michel-Ange fut nommée «maniérisme».

La richissime Venise tomba très vite sous le charme de ce style, et lui donna quelques uns de ses plus grands maîtres, à tel point que l’on peut la considérer comme la capitale du maniérisme.

L’un des plus prestigieux représentants du courant maniériste fut le vénitien Tintoretto (en français, Le Tintoret). Il fut élève du Titien, et l’on constate une filiation certaine entre les oeuvres de l’un et de l’autre, mais, si Titien excella dans l’art du portrait, héritier de Raphaël, on doit au Tintoret quelques unes des plus belles compositions maniéristes, et en particulier celle qui servit de manifeste à tout ce courant : la Découverte du corps de Saint Marc.

En Espagne, le Greco a donné une définition très personnelle du maniérisme, avec, par exemple, l’Enterrement du Comte d’Orgaz, son manifeste artistique.

Les Noces de Cana, par Véronèse

Autre tableau emblématique du maniérisme : les Noces de Cana, peintes en 1563 à Venise par Véronèse, qui fait se poser la question de la différence entre maniérisme et baroque.

Ce courant fut essentiellement italien, même si un greco-espagnol (El Greco) et des maîtres d’Europe du Nord s’y sont illustrés : on peut dire que ce courant est essentiellement catholique, influencé par les idées de la Contre-Réforme, et s’est très naturellement fondu dans ce que l’on a appelé beaucoup plus tard le style baroque. On pourrait même dire que, dans le domaine de la peinture et dans le cas particulier de l’Italie, maniérisme et baroque sont synonymes. On peut les distinguer sur le plan temporel, le maniérisme appartenant au 16e siècle et le baroque au 17e et à la première moitié du 18e, par une plus grande aisance et une plus grande unité de style chez les peintres baroques que chez les maniéristes, mais l’inspiration reste fondamentalement la même.

Un livre très complet sur le maniérisme

On parle également d’un maniérisme «à la française». François Ier, grand amateur d’art, fit venir à sa cour des peintre italiens, notamment, en 1532, Le Primatice. Ce dernier, peintre de grand talent, introduisit en France le goût pour le style italien. Malheureusement, les peintres français ne maîtrisaient pas aussi bien que les italiens les techniques picturales, anatomie et perspective notamment, et ne purent rivaliser avec eux dans la quête du mouvement, dans l’expression des passions et dans les compositions virtuoses. Il en est sorti un style beaucoup plus sage, que l’on peut parfois même qualifier de «maniéré» et qu’il faut appeler, pour éviter toute ambiguité, «École de Fontainebleau».

bibliographie

Sur le Maniérisme, on peut se tourner vers un livre très documenté : La Haute Renaissance et le Maniérisme, par Linda Murray.

D’occasion, l’excellent livre de Howard Hibbard : Michel-Ange, Peintre, Sculpteur, Architecte