Tout d’abord, voici quelques images de ces solides réguliers, afin de comprendre la fascination qu’ils peuvent exercer :

Tétraèdre

Le Tétraèdre, le Feu

Octaèdre

L’Octaèdre, l’Air

Icosaèdre

L’Icosaèdre, l’Eau

Cube

Le Cube, la Terre

Dodéacaèdre

Le Dodécaèdre, l’Univers

Solides

Selon Euclide, ce grand mathématicien grec de l’Antiquité, un solide est "ce qui a une longueur, une largeur et une profondeur".

Un solide est une "figure" en trois dimensions : une boule, un patate, un parallélépipède, une brique… Le dictionnaire dit que c’est une partie d’espace limitée par une surface. Ce sont, comme toutes les entités mathématiques, des entités abstraites, et les exemples de la patate et de la brique sont de mauvais exemples, ils sont beaucoup trop concrets et particuliers, avec leurs imperfections, leurs taches de terre ou leurs coulures d’argile pour faire l’objet de savantes réflexions mathématiques… Mais, parmi tous les solides, les 5 solides platoniciens ont toujours été considérés comme les plus "parfaits".

Platon

Les Grecs de l’Antiquité connaissaient ces solides. Platon (428 – 348 avant J.-C.) en parle dans son Timée, d’une manière philosophique, et même mystique :

"La première chose à expliquer ensuite, c’est la forme que chacun d’eux a reçue et la combinaison de nombres dont elle est issue. Je commencerai par la première espèce, qui est composée des éléments les plus petits. Elle a pour élément le triangle dont l’hypoténuse est deux fois plus longue que le plus petit côté. Si l’on accouple une paire de ces triangles par la diagonale et qu’on fasse trois fois cette opération, de manière que les diagonales et les petits côtés coïncident en un même point comme centre, ces triangles, qui sont au nombre de six, donnent naissance à un seul triangle, qui est équilatéral. Quatre de ces triangles équilatéraux réunis selon trois angles plans forment un seul angle solide, qui vient immédiatement après le plus obtus des angles plans. Si l’on compose quatre angles solides, on a la première forme de solide, qui a la propriété de diviser la sphère dans laquelle il est inscrit en parties égales et semblables. La seconde espèce est composée des mêmes triangles. Quand ils ont été combinés pour former huit triangles équilatéraux, ils composent un angle solide unique, fait de quatre angles plans. Quand on a construit six de ces angles solides, le deuxième corps se trouve achevé. Le troisième est formé de la combinaison de deux fois soixante triangles élémentaires, c’est-à-dire de douze angles solides, dont chacun est enclos par cinq triangles plans équilatéraux, et il y a vingt faces qui sont des triangles équilatéraux. Après avoir engendré ces solides, l’un des triangles élémentaires a été déchargé de sa fonction, et c’est le triangle isocèle qui a engendré la nature du quatrième corps. Groupés par quatre, avec leurs angles droits se rencontrant au centre, ces isocèles ont formé un quadrangle unique équilatéral. Six de ces quadrangles, en s’accolant, ont donné naissance à huit angles solides, composés chacun de trois angles plans droits, et la figure obtenue par cet assemblage est le cube, qui a pour faces six tétragones de côtés égaux. Il restait encore une cinquième combinaison. Dieu s’en est servi pour achever le dessin de l’univers." Platon, Timée, 54d-55d.

Ensuite, il associe à chaque élément feu, air, eau, terre, bases constitutives de l’univers, l’un de ces solides. Au feu, il associe le tétraèdre, le plus mobile et le plus "pointu". A la terre, il associe le plus stable, le carré. A l’air et à l’eau, il a associé respectivement l’octaèdre et l’icosaèdre. Quant au dernier solide, le seul dont les faces sont constituées de pentagones, il l’associe à l’Univers.

Euclide

Euclide (autour de 300 avant J.-C.) les a étudiés et avait publié, dans son ouvrage Les Eléments, d’importantes conclusions sur ces objets mathématiques, en particulier sur les dimensions de leurs arètes et la manière de les inscrire dans une sphère. Mais, selon Euclide lui-même, c’est Théétète (417 – 369 avant J.-C.), élève de Socrate, qui apparaît comme l’un de leur premier théoricien.

L’apport essentiel d’Euclide a été de démontrer qu’il ne pouvait pas exister plus de ces 5 solides, dont l’enveloppe est faite de polygones réguliers. Comme toujours avec les anciens Grecs, la démonstration ne se fait pas avec des tours de force de démonstrations mathématiques, mais simplement, pragmatiquement, en regardant, en observant, en déduisant et en construisant. Euclide a simplement observé ce qui se produisait au niveau du sommet d’un tel solide : trois faces ou plus réunies en un même point, trois faces ou plus formant un angle solide. Cela veut dire que la somme de ces trois angles réunis doit faire moins de 360°, pour que cela produise un "chapeau pointu".

Avec des triangles, on peu faire des sommets de 3, 4 ou 5 triangles : domme les angles d’un triangle équilatéral font 60°, 3 font 180°, 4 font 240° et 5 font 300°. Avec 6, on trouve 360°, ce qui donne une figure plate. Avec ces 3, 4 et 5 triangles, en répétant de proche en proche (à chaque angle des triangles, il y a un autre sommet), on obtient le tétraèdre, l’octaèdre et icosaèdre, solides ayant respectivement 4 faces, 8 faces et 20 faces.

Avec les carré, dont les 4 angles font chacun 90°, on peut faire un seul solide, le cube (trois faces par sommet). Avec 4 carrés, on tombe à nouveau sur une figure plate.

Avec le pentagone, le dodécaèdre composé de 12 faces pentagonales.

Kepler

En 1595, en pleine Renaissance, dans la petite école de Graz, en Autriche, où il enseignait, Kepler eut une de ces illuminations qui touchent parfois les grands découvreurs. Il eut l’intuition que les 5 solides réguliers (les solides "pythagoriciens") et les espaces entre les 6 planètes connues à cette époque (les planètes "coperniciennes") seraient en relation. Il eut l’intuition, 2000 ans après Platon, que ces solides réguliers étaient la clef de la compréhension de l’architecture de l’univers.

Ses hypothèses se révélèrent exactes et il put décrire les orbites de 5 des 6 planètes avec une erreur de seulement 5 %. Seul Jupiter semblait échapper à la règle, Jupiter qui était alors la plus éloignée des planètes connues. Il consigna ses découvertes dans son Mysterium cosmographicum, édité en 1596. Kepler avait 25 ans.

Aujourd’hui

Dans le dernier avatar des mathématiques, celles du début du 3e millénaire, dans ce que l’on appelle, sur notre globe terrestre et de manière bien imparfaite, "l’Occident", on nomme ces figures dans l’espace des "polyèdres réguliers convexes".

Parmi les solides, les polyèdres sont des "parties d’espace limitées par des surfaces planes " elles-mêmes constituées de polygones. Et ces polygones sont des figures planes, des "parties de plan" limitées par des segments de lignes droites. Un polyèdre a donc, en quelque sorte, des facettes, comme une pierre taillée.

Ils sont "réguliers" au sens que leurs facettes sont des polygones réguliers, des figures géométriques présentant certaines symétries, et les segments qui les limitent sont tous de même longueur (égaux). Les triangles équilatéraux, les carrés, les pentagones (réguliers)… sont des polygones réguliers.

Et convexe ? Il y aurait bien une définition "mathématique" de la convexité, complexe à souhait. Mais convexe, cela veut dire tout simplement que l’on peut poser le solide sur une table sur chacune de ses faces, il n’y a pas de sommet "en creux".