Pandora

Si une femme moderne peut représenter Pandore, ce ne peut être qu’Ava Gardner…

… cette fameuse "boîte de Pandore" qui serait en réalité une jarre ?

Liée à l’histoire de Prométhée, d’Épiméthée, de la création de l’homme et du déluge, l’histoire de Pandore est l’une des plus "accrocheuses" de la Mythologie grecque. Créature féminine idéale, parée de toutes les beautés et de tous les charmes, elle est l’Éve grecque. Mais son caractère fatal la rend beaucoup plus proche d’un autre archétype talmudique, la belle et terrible Lilith. Salomé, Loulou (ou Lulu), Lola-Lola de l’Ange Bleu et les "femmes fatales" du cinéma des années 20 et 30, tels en sont les avatars moderne d’un des plus vieux mythes de l’humanité.

Le nom de Pandore signifie "tous les dons" : beauté, grâce, persuasion, habilité manuelle… mais aussi mensonge et fourberie, tel fut le lot de Pandore.

De nombreux poètes, plus ou moins tardivement, ont cité Pandore, mais l’origine du mythe est à rechercher chez le plus ancien des mythographes, Hésiode. Homère, lui, ignore Pandore.

Hésiode

Le premier à mentionner le mythe de Pandore est Hésiode, dans deux de ses poèmes. Pandore, selon lui, était une créature créée par Zeus, pour le malheur des humains après que Prométhée leur eut donné le feu.

Voici le texte d’Hésiode, extrait de sa Théogonie :

" Aussitôt, en place du feu, [Zeus] créa un mal, destiné aux humains. Avec de la terre, l’illustre Boiteux modela un être tout pareil à une chaste vierge, par le vouloir du fils de Cronos. La déesse aux yeux clairs, Athéna, lui noua sa ceinture, après l’avoir parée d’une robe blanche, tandis que ses mains faisaient tomber de son front un voile aux mille broderies, merveille pour les yeux. Autour de sa tête elle posa un diadème d’or forgé par l’illustre Boiteux lui-même, de ses mains adroites, pour plaire à Zeus son père : il portait d’innombrables ciselures, merveille pour les yeux, images des bêtes que par milliers nourrissent la terre et les mers ; Héphaïstos en avait mis des milliers — et un charme indéfini illuminait le bijou — véritables merveilles, toutes semblables à des êtres vivants.

Et quand, en place d’un bien, Zeus eut créé ce mal si beau, il l’amena où étaient dieux et hommes, superbement paré par la Vierge aux yeux pers, la fille du dieu fort ; et les dieux immortels et les hommes mortels allaient s’émerveillant à la vue de ce piège, profond et sans issue, destiné aux humains. Car c’est de celle-là qu’est sortie la race, l’engeance maudite des femmes, terrible fléau installé au milieu des hommes mortels. Elles ne s’accomodent pas de la pauvreté odieuse, mais de la seule abondance. Ainsi, dans les abris où nichent les essaims, les abeilles nourrissent les frelons que partout suivent oeuvres de mal. Tandis qu’elles, sans repos, jusqu’au coucher du Soleil, s’empressent chaque jour à former des rayons de cire blanche, ils demeurent, eux, à l’abri des ruches et engrangent dans leur ventre le fruit des peines d’autrui. Tout de même, Zeus qui gronde dans les nues, pour le grand malheur des hommes mortels, a créé les femmes, que partout suivent oeuvres d’angoisse, et leur a, en place d’un bien, fourni tout au contraire un mal. Celui qui, fuyant, avec le mariage, les oeuvres de souci qu’apportent les femmes, refuse de se marier, et qui, lorsqu’il atteint la vieillesse maudite, n’a pas d’appui pour ses vieux jours, celui-là sans doute ne voit pas le pain lui manquer, tant qu’il vit, mais, dès qu’il meurt, son bien est partagé entre collatéraux. Et celui, en revanche, qui dans son lot trouve le mariage, peut rencontrer sans doute une bonne épouse, de sain jugement ; mais, même alors, il voit toute sa vie le mal compenser le bien ; et, s’il tombe sur une espèce folle, alors, sa vie durant, il porte en sa poitrine un chagrin qui ne quitte plus son âme ni son coeur, et son mal est sans remède. "

Note : l’illustre Boiteux est le dieu Héphaïstos, le dieu forgeron à l’habilité sans pareille ; le fils de Cronos (ou "Cronide", comme dans l’extrait suivant) est, bien sûr, Zeus.

Ainsi, Hésiode, qui fut, semble-t-il, un homme plutôt amer, considérait-t-il que la seule existence des femmes est une plaie pour l’humanité… La "boîte" est évoquée dans un autre poème, Les Travaux et les Jours. Voici l’extrait de ce poème :

" Il dit, et tous obéissent au seigneur Zeus, fils de Cronos. En hâte, l’illustre Boiteux modèle dans la terre la forme d’une chaste vierge, selon le vouloir du Cronide. La déesse aux yeux pers, Athéné, la pare et lui noue sa ceinture. Autour de son cou les Grâces divines, l’auguste Persuasion mettent des colliers d’or ; tout autour d’elle les Heures aux beaux cheveux disposent en guirlandes des fleurs printanières. Pallas Athéné ajuste sur son corps toute sa parure. Et, dans son sein, Le Messager, tueur d’Argos, crée mensonges, mots trompeurs, coeur artificieux, ainsi que le veut Zeus aux lourds grondements. Puis, héraut des dieux, il met en elle la parole et à cette femme il donne le nom de "Pandore", parce que ce sont tous les habitants de l’Olympe qui, avec ce présent , font présent du malheur aux hommes qui mangent le pain.

Son piège ainsi creusé, aux bords abrupts et sans issue, le Père des dieux dépêche à Épiméthée, avec le présent des dieux, l’illustre Tueur d’Argos, rapide messager. Épiméthée ne songe point à ce que lui a dit Prométhée : que jamais il n’accepte un présent de Zeus Olympien, mais le renvoie à qui l’envoie, s’il veut épargner un malheur aux mortels. Il accepte et, quand il subit son malheur, comprend.

La race humaine vivait auparavant sur la terre à l’écart et à l’abri des peines, de la dure fatigue, des maladies douloureuses, qui apportent le trépas aux hommes. Mais la femme, enlevant de ses mains le large couvercle de la jarre, les dispersa par le monde et prépara aux hommes de tristes soucis. Seul, l’Espoir restait là, à l’intérieur de son infrangible prison, sans passer les lèvres de la jarre, et ne s’envola pas au dehors, car Pandore déjà avait replacé le couvercle, par le vouloir de Zeus, assembleur de nuées, qui porte l’égide. Mais des tristesses en revanche errent innombrables au milieu des hommes : la terre est plein de maux, la mer en est pleine ! Les maladies, les unes de jour, les autres de nuit, à leur guise, visitent les hommes, apportant la souffrance aux mortels — en silence, car le sage Zeus leur a refusé la parole. Ainsi donc il n’est nul moyen d’échapper aux dessins de Zeus. "

Cette version du mythe est tout juste une peu moins misogyne : Pandore est à l’origine des maux de l’humanité, non par sa seule présence, mais parce qu’elle a libéré de la jarre les maux et les souffrances. Seul l’Espoir est resté dans la jarre…

D’après le "pseudo"-Apollodore, l’auteur de la Bibliothèque (voir notre page sur les sources de la mythologie grecque), Pandore devint l’épouse d’Épiméthée et mère de Pyrrha qui, avec son cousin Deucalion, échappa au déluge et devint la mère de l’humanité.