La Chute d'Icare, autrefois attribuée à Pieter Brueghel l'Ancien

La Chute d’Icare (1558), autrefois attribuée à Pieter Brueghel l’Ancien (1529 ? – 1569)
Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles

Comme le magnifique Portrait de femme autrefois attribué à Hans Holbein, cette Chute d’Icare a été déclassée : elle n’est plus attribuée au grand Brueghel l’Ancien et est maintenant reléguée au rang de « copie ». Toutefois, même s’il a travaillé d’après un original, l’auteur hypothétique de ce tableau possédait la technique d’un grand maître et a imité à la perfection celle de Brueghel.

On ne peut résoudre les problèmes d’attribution ou de datation en invoquant d’hypothétiques copistes : la copie ne sera que le fruit de l’oeil et de la main du copiste. Aussi sublime que soit l’original, un artiste médiocre n’en verra pas la grandeur et sera incapable de la restituer. Si la copie est un chef-d’oeuvre, il faut en chercher l’auteur parmi les grands maîtres.

On ne sait presque rien sur Brueghel, et l’année de naissance classiquement admise est une extrapolation, tandis que celle de sa mort, 1569, semble attestée. Il est également attesté qu’il a travaillé à Anvers et à Bruxelles, où il est enterré. Ses deux fils, comme lui, connurent la célébrité par leur peinture. Il fut apprécié jusqu’en Italie, où Vasari le cite dans ses Vies des plus grands peintres, sculpteurs et architectes.

A l’inverse de la citation d’Ovide dont ce tableau serait l’illustration, le paysan et le pêcheur ne portent pas le moindre intérêt à l’homme-oiseau, représenté ridiculement par deux jambes affolées battant les eaux qui les engloutissent. Cette vision décalée, pragmatique et non dénuée d’humour est la marque du peintre.

Comparé à des oeuvres contemporaines, qu’elles soient italiennes ou nordiques, les représentations de Brueghel paraissent maladroites, les corps disgracieux, les perspectives erronées, mais elles le « paraissent » seulement : la technique de Brueghel n’est pas défectueuse, et l’on a de sa main des représentations splendides, comme celle de la Tour de Babel. Mais elles semblent, dans leur style, appartenir davantage à la fin du Moyen Âge qu’à la Renaissance. Cette facture correspondent à un esprit narratif : ces oeuvres sont des fables, elles racontent des histoires, elles ne cherchent pas à représenter l’indicible, il ne s’agit pas d’une quête du « beau », étranger au monde de Brueghel aussi bien qu’à celui auquel on l’a beaucoup comparé, Bosch.