L’Iliade et l’Odyssée dans la traduction de Jean-Baptiste Dugas-Montbel

L’Iliade : Chant 1Chant 2Chant 3Chant 4Chant 5Chant 6Chant 7Chant 8Chant 9Chant 10Chant 11Chant 12Chant 13Chant 14Chant 15Chant 16Chant 17Chant 18Chant 19Chant 20Chant 21Chant 22Chant 23Chant 24
L’Odyssée : Chant 1Chant 2Chant 3Chant 4Chant 5Chant 6Chant 7Chant 8Chant 9Chant 10Chant 11Chant 12Chant 13Chant 14Chant 15Chant 16Chant 17Chant 18Chant 19Chant 20Chant 21Chant 22Chant 23Chant 24

La Dolonie.

Apollon, d'après un vase antique

Apollon, d’après un vase antique

Tous les chefs des Grecs, vaincus par les charmes du repos, dormaient durant la nuit entière auprès de leurs navires ; mais Agamemnon, pasteur des peuples, ne goûte point les douceurs du sommeil : mille soins divers agitent sa pensée. Ainsi, lorsque l’époux de la belle Héra fait briller les éclairs, pour former ou les pluies abondantes, ou la grêle, ou la neige dont les flocons blanchissent les campagnes, ou quelquefois les lignes étendues des bataillons guerriers, ainsi, dans son sein et du fond de son cœur, Agamemnon exhale de nombreux soupirs, et ses entrailles sont profondément émues. Chaque fois qu’il porte ses regards sur la plaine de Troie, il considère avec étonnement les feux multipliés brillant autour d’Ilion, le son des flûtes et des chalumeaux, et le tumulte des guerriers ; puis, lorsqu’il regarde l’armée des Grecs, il arrache sa chevelure en implorant Zeus dans le ciel, et son cœur magnanime gémit avec amertume. Le parti qui, dans sa pensée, lui semble préférable est d’abord de se rendre auprès de Nestor, fils de Nélée, pour tâcher d’inventer avec lui quelque projet salutaire qui puisse éloigner des Grecs le malheur qui les menace. Soudain il se lève, revêt sa tunique, attache à ses pieds de riches brodequins ; il jette autour de lui la peau tachée de sang d’un énorme lion fauve, qui lui tombe jusqu’aux pieds, et saisit ensuite sa lance.

Cependant le même trouble agitait Ménélas ; le sommeil n’approchait point de ses yeux ; craignant que les Argiens ne souffrissent encore, eux qui pour sa cause, traversant les plaines liquides, étaient venus devant Troie porter une guerre funeste. À l’instant, il couvre son vaste dos de la peau tachetée d’un léopard, pose sur sa tête un casque d’airain, et, de sa main vigoureuse, il saisit une lance ; puis il se hâte d’aller éveiller tous les Argiens, et que les peuples honoraient comme un dieu. Il le trouve à la poupe du vaisseau, revêtant ses armes étincelantes ; sa présence comble de joie Agamemnon. Alors, le brave Ménélas parlant le premier, lui dit :

« Pourquoi t’armer ainsi, mon frère ? Veux-tu décider l’un de nos compagnons à épier le camp des Troyens ? Ah ! combien je crains qu’aucun guerrier ne se présente pour cette entreprise, ne veuille aller seul à travers les ténèbres observer les ennemis ! Ah ! celui-là sans doute aurait un cœur rempli d’audace. »

Le puissant Agamemnon lui répond en ces mots : « Il me faut, ainsi qu’à toi, généreux Ménélas, un conseil salutaire qui puisse sauver ou défendre les Grecs et leurs vaisseaux, car Zeus à changé de pensée : maintenant les seules offrandes d’Hector lui sont agréables. Non, jamais je n’ai vu, je n’ai jamais ouï raconter qu’un seul homme ait en un jour imaginé de faire autant d’exploits qu’en vient d’accomplir, contre les enfants des Grecs, Hector, aimé de Zeus ; cependant, il n’est point le fils d’une déesse ni d’un dieu : mais il exécute des actions telles, je pense, que longtemps dans l’avenir les Argiens en conserveront la mémoire, tant il nous accable de maux cruels. Cependant, Ménélas ! va trouver Ajax et Idoménée, en courant rapidement vers les vaisseaux ; moi, je vais trouver le prudent Nestor, et l’engager à se lever pour qu’il veuille venir jusque vers la troupe sacrée des gardes, et qu’il donne de sages conseils ; il sera promptement obéi de chacun, ils écouteront surtout ses avis, puisque c’est son fils qui commande les gardes, avec Mérion, l’écuyer d’Idoménée : c’est eux à qui nous avons confié ce soin. »

« Quels sont ensuite tes ordres ? lui demande Ménélas, que me prescris-tu ? Dois-je demeurer avec eux en attendant que tu reviennes, ou retourner près de toi après leur avoir dit ta volonté ? »

« Demeure auprès d’eux, lui dit Agamemnon, de peur que dans notre course nous ne venions à nous manquer ; car de nombreuses routes traversent notre camp. Partout, sur ton passage, commande à haute voix de veiller avec soin, en appelant chaque guerrier par le nom de son père et de ses ancêtres, et les honorant tous ; ne conserve plus aucune fierté dans ton âme ; nous-mêmes, travaillons comme les autres, puisque Zeus, à notre naissance, nous imposa cette peine cruelle. »

Ayant dit ces mots, il envoie son frère chargé de ses ordres ; cependant il se rend lui-même auprès de Nestor, pasteur des peuples ; il le trouve dans sa tente, non loin de son vaisseau, reposant sur un lit moelleux ; près de lui sont ses armes brillantes, un bouclier, deux javelots et son casque étincelant : là est aussi le riche baudrier que ceint le vieillard lorsque, à la tête de ses troupes, il s’arme pour les combats meurtriers, car il ne cédait point encore à la froide vieillesse. Appuyé sur son coude, et levant la tête, Nestor adresse la parole au fils d’Atrée, et s’écrie :

« Quel es-tu, toi qui seul parcours ainsi le camp et les navires, au milieu de la nuit ténébreuse, tandis que tous les autres hommes se livrent au sommeil ? Est-ce quelqu’un des gardes que tu cherches, ou l’un de tes compagnons ? Parle, ne m’approche pas sans me répondre. Que te faut-il ? »

« Fils de Nélée, répond l’Atride, roi des hommes, Nestor, la gloire des Grecs, reconnais Agamemnon, que Zeus accabla de douleurs plus qu’aucun autre mortel, et sans doute pour toujours, tant que le souffle de ma vie animera mon sein, et que mes genoux pourront se mouvoir. J’erre ainsi dans le camp, parce que le doux sommeil ne peut approcher de mes yeux ; la guerre et les malheurs des Grecs occupent seuls ma pensée ; je suis saisi d’une vive crainte pour les enfants de Danaos, et, loin de posséder une âme tranquille, je me sens vivement agité ; mon cœur palpitant semble vouloir s’échapper de mon sein, tous mes membres tremblent d’effroi. Mais si tu te sens assez fort, et si tu ne cèdes point au repos, viens, allons trouver les gardes ; visitons-les, de peur que, vaincus par la fatigue et le sommeil, ils ne soient endormis, ou qu’ils n’oublient la garde du camp. Nos ennemis sont près de nous, et nous ignorons si durant la nuit ils ne songeront pas à nous attaquer. »

« Glorieux fils d’Atrée, Agamemnon, roi des hommes, lui répond Nestor, non, le prévoyant Zeus n’accomplira pas tous les desseins que nourrit l’espoir d’Hector, et, je le pense, lui-même serait accablé de nombreuses douleurs si Achille éloignait de son cœur une colère funeste. Cependant je te suivrai volontiers ; éveillons même les autres guerriers, le brave fils de Tydée, Ulysse, le rapide Ajax, et le fils vaillant de Phylée ; mais il faudrait que quelqu’un courût avertir Ajax, fils de Télamon, et le puissant Idoménée, car leurs vaisseaux sont séparés des nôtres par un grand espace. Mais écoute, quels que soient mon amour et mon respect pour Ménélas, j’oserai l’accuser ; et, dût ton cœur s’irriter contre moi, je ne puis me taire, puisqu’il s’abandonne au repos, et laisse à toi seul tout le soin de la guerre. Aujourd’hui, pourtant, il devrait s’empresser autour de nos chefs en les suppliant, car une dure nécessité pèse sur nous. »

Agamemnon, roi des hommes, lui répond aussitôt : « O vieillard, en toute autre occasion je t’exciterais moi-même à l’accuser : souvent il reste dans l’inaction et refuse d’agir, non par lâcheté, ou défaut d’intelligence ; mais, les yeux attachés sur moi, il attend mon exemple. Toutefois, maintenant, il s’est levé le premier, et s’est rendu dans ma tente. Je l’ai envoyé chercher ceux que tu demandes ; viens donc, nous les trouverons vers les portes du camp, parmi les gardes, où je leur ai dit de se réunir. »

« S’il en est ainsi, répond le vieux Nestor, aucun des Grecs ne s’indignera contre Ménélas, et ne refusera de lui obéir, quand il excitera quelqu’un de nos guerriers, ou qu’il lui donnera ses ordres. »

En disant ces mots, il revêt sa tunique, attache à ses pieds de riches brodequins, agrafe son large manteau de pourpre, sur lequel éclate un léger duvet ; il saisit une forte lance, armée d’une pointe d’airain, et s’avance vers les vaisseaux des Grecs. D’abord, il réveille Ulysse, dont la prudence égale celle de Zeus, en l’appelant d’une voix forte : elle parvient jusqu’à ce héros, qui sort de sa tente et leur tient ce discours :

« Pourquoi donc errez-vous seuls ainsi dans le camp, et parmi les navires, au sein de la nuit ténébreuse ? Quel si grand péril nous menace ? »

« Noble fils de Laërte, ingénieux Ulysse, répond Nestor, ne t’irrite pas : tant de maux accablent les Grecs ! mais suis-nous, éveillons quelque autre chef, avec qui nous puissions résoudre si nous devons fuir ou combattre. »

Aussitôt Ulysse rentre dans sa tente, jette sur ses épaules un bouclier resplendissant, et s’éloigne avec ces deux guerriers. Ils arrivent auprès de Diomède, fils de Tydée ; ils le trouvent couché hors de sa tente et revêtu de ses armes ; autour de lui dorment ses compagnons, la tête appuyée sur leurs boucliers ; leurs lances sont enfoncées dans la terre du côté de la poignée, et l’airain resplendit au loin comme la foudre du puissant Zeus. Le héros dormait aussi sur la peau d’un bœuf sauvage, et sous sa tête était déployé un tapis éclatant. Le sage Nestor s’arrête près de Diomède, le touche du pied, l’éveille, et le blâme en ces mots :

« Lève-toi, fils de Tydée : pourquoi t’abandonner toute la nuit au sommeil ? Ne sais-tu pas que les Troyens occupent la colline qui domine la plaine, qu’ils sont campés près de nos vaisseaux, et qu’un court espace les sépare de nous ? »

Il dit : soudain le héros s’arrache au sommeil, et laisse échapper ces paroles rapides :

« Tu es infatigable, ô vieillard ; tu ne cesses jamais tes pénibles travaux. Quoi ! parmi les fils des Grecs, n’est-il pas d’autres guerriers plus jeunes pour aller de toutes parts avertir nos princes ? Mais, ô vieillard, ton ardeur est invincible. »

« Ami, lui répond le prudent Nestor, tes discours sont toujours pleins d’équité. Il est vrai, j’ai des fils irréprochables et de nombreux soldats : l’un d’eux, sans doute, pouvait avertir nos princes ; toutefois un danger pressant nous menace ; notre destinée à tous est sur le tranchant du glaive ; un instant peut décider de la perte ou du salut des Grecs. Mais, Diomède, va toi-même maintenant, éveille l’impétueux Ajax et le fils de Phylée ; tu es plus jeune que moi, va, si tu prends pitié de ma vieillesse. »

Aussitôt Diomède jette sur ses épaules la peau fauve d’un énorme lion ; elle tombe jusqu’à ses pieds ; puis il saisit une lance, s’éloigne, et revient bientôt accompagné des guerriers qu’il à réveillés.

Lorsqu’ils sont rassemblés, au milieu des gardes, ils trouvent les chefs, qui, loin de se livrer au repos, veillaient avec soin ; tous étaient couverts de leurs armes. Ainsi, dans la bergerie, les chiens surveillent avec inquiétude les troupeaux, dès qu’ils ont entendu quelque énorme bête féroce descendre des montagnes à travers les forêts. Son approche à répandu le tumulte et l’effroi parmi les hommes et les chiens, pour eux il n’est plus de repos de même pour les gardes qui veillent dans cette nuit terrible, le doux sommeil s’éloigne de leurs paupières. Sans cesse ils étaient tournés vers la plaine pour écouter les pas des Troyens. À cette vue, le vieux Nestor se réjouit, les encourage par ses discours, et leur adresse ces mots :

« O mes enfants, dit-il, comme à présent, veillez toujours avec zèle. Que nul d’entre vous ne se laisse dompter par le sommeil, de peur que nous ne soyons un sujet de joie pour nos ennemis. »

A ces mots, il franchit le fossé ; après lui viennent tous les rois qui furent convoqués au conseil. Avec eux sont Mérion et l’illustre fils de Nestor, qu’ils ont appelés pour prendre part aux délibérations. Quand ils ont traversé le fossé, ils se placent en un lieu non souillé de sang, et qui laissait un espace libre au milieu des cadavres ; c’était en cet endroit que le vaillant Hector s’était retourné après avoir immolé tant de Grecs, et lorsque la nuit eut répandu ses ombres. Là, s’étant assis, ils discouraient entre eux ; mais le prudent Nestor se lève, et, le premier, leur tient ce discours :

« Amis, n’est-il pas parmi vous un héros assez confiant en son courage pour oser pénétrer au milieu des Troyens valeureux ? Peut-être surprendrait-il quelque ennemi éloigné du camp, ou du moins il saurait quels sont les discours des Troyens, quels projets ils méditent entre eux ; s’ils veulent rester auprès de notre flotte, loin de leurs remparts, ou s’ils retourneront dans la ville après avoir vaincu les Grecs. Celui qui connaîtrait leurs desseins et reviendrait parmi nous sans blessure se couvrirait d’une gloire immortelle aux yeux de tous les hommes, et nous lui destinons un présent magnifique. Tous les princes qui commandent à nos navires lui donneront chacun une brebis noire et son agneau encore à la mamelle, récompense à nulle autre semblable, et toujours il prendra part à nos repas et à nos fêtes. »

Ainsi parle Nestor. Tous gardent un profond silence ; enfin le raillant Diomède s’écrie, au milieu de l’assemblée :

« Nestor, mon courage, mon ardeur, m’excitent à pénétrer dans le camp de nos terribles ennemis, déjà si près de nous ; mais si quelque autre guerrier voulait me suivre, ma confiance serait plus grande, j’en aurais plus d’audace : quand deux hommes marchent ensemble, l’un, au défaut de l’autre, aperçoit ce qui est le plus avantageux ; seul, au contraire, si l’on songe à quelque dessein, l’esprit est moins prompt et le jugement moins sûr. »

À ces mots, plusieurs guerriers veulent suivre Diomède ; les deux Ajax, disciples d’Arès, Mérion, le fils de Nestor, et le vaillant Atride Ménélas ; tous veulent accompagner Diomède : le courageux Ulysse veut aussi pénétrer dans le camp des Troyens, car toujours son âme est animée d’une noble audace. Alors Agamemnon, roi des hommes, parle ainsi dans le conseil :

« Diomède, héros cher à mon cœur, choisis le compagnon que tu désires, désigne le plus brave des chefs ici présents, puisqu’un grand nombre brûlent de te suivre ; mais toi, par une fausse honte, ne repousse pas le guerrier le plus courageux ; et, cédant à cette crainte, ou regardant à la naissance, ne préfère pas un homme timide, parce qu’il tient un rang plus élevé. »

Il parlait ainsi ; car il craignait pour son frère, le blond Ménélas. Diomède lui répondit alors :

« Si vous me permettez de choisir mon compagnon, comment pourrais-je oublier le divin Ulysse, dont le courage et l’audace sont si supérieurs dans tous les dangers, lui que chérit la déesse Athéna ? Qu’il m’accompagne, et tous les deux nous reviendrions du milieu des flammes, tant est grande sa prudence. »

« Fils de Tydée, lui dit le patient Ulysse, ne me prodigue ni la louange ni le blâme ; tu parles devant les Grecs, qui me connaissent. Mais allons ; bientôt les ténèbres vont disparaître, l’aurore approche, les astres précipitent leur marche ; la nuit à déjà fait les deux tiers de son cours, mais la troisième partie nous reste encore. »

Il dit ; tous deux revêtent leurs armes terribles ; le brave Thrasymédès donne une épée à deux tranchants au fils de Tydée, qui laissa la sienne dans son navire ; il lui donne un bouclier, lui pose sur la tête un casque de cuir, sans cimier et sans aigrette ; cette armure, appelée cataitux, est destinée à couvrir le front des jeunes guerriers. Mérion donne à Ulysse un arc, un carquois et une épée ; il lui pose aussi sur la tête un casque de peau : l’intérieur est solidement revêtu de plusieurs courroies ; au dehors et tout autour paraissent pressées et rangées avec art les dents blanches d’un sanglier terrible ; le milieu est garni d’un épais tissu de laine. Ce casque est celui qu’Autolycos enleva, dans Éléon, au vaillant Amyntor, fils d’Ormènos, quand il ravagea le superbe palais de ce guerrier. Dans la ville de Scandie, Autolycos le céda jadis à Amphidamas de Cythère ; Amphidamas le remit à Molos, comme un présent d’hospitalité : ce guerrier voulut que son fils Mérion le portât dans les batailles ; maintenant il couvre la tête d’Ulysse, et la protège.

Quand ils ont revêtu ces armes redoutables, ils partent et s’éloignent des autres chefs. Alors Athéna envoie un héron qui vole à leur droite, près du chemin qu’ils parcourent ; leurs yeux ne peuvent pas le découvrir à travers les ombres de la nuit, mais ils ont entendu son cri perçant. Ulysse, charmé de cet augure, invoque Athéna en ces mots :

« Écoute ma voix, fille du grand Zeus, toi qui m’assistes dans tous mes travaux, à qui je ne dérobe aucune de mes démarches ; ô Athéna ! surtout maintenant prouve-moi ton amour ; accorde-moi de ne retourner vers nos vaisseaux qu’après avoir accompli tous deux quelque grand exploit dont les Troyens garderont un pénible souvenir. »

À son tour, le brave Diomède invoquait la déesse, et priait en ces mots :

« Écoute aussi ma voix, ô fille indomptable de Zeus, accompagne mes pas, comme jadis tu vins dans Thèbes avec mon père Tydée, lorsqu’il était ambassadeur des Grecs. Il laissa sur les rives de l’Asopos les vaillants Achéens, et porta des paroles pacifiques aux fils de Cadmos. À son retour, aidé par toi, grande déesse, il accomplit des faits glorieux, parce que, bienveillante pour lui, tu daignas l’assister. Veuille aussi me protéger et me défendre ; je t’immolerai une génisse bondissante, au large front, et que nul homme n’aura mise sous le joug. Oui, je te l’immolerai, après avoir doré ses cornes naissantes. »

Tels étaient leurs vœux : Pallas les exauça. Dès qu’ils ont imploré la fille du grand Zeus, ces guerriers, semblables à deux lions, s’avancent au sein de la nuit ténébreuse, à travers, le carnage, les cadavres, les armes et le sang.

Cependant Hector ne permet pas non plus aux Troyens valeureux de goûter le sommeil ; mais il convoque, parmi les plus illustres, tous les chefs et les princes des Troyens ; quand ils sont rassemblés, il leur suggère un sage conseil, et leur dit :

« Qui d’entre vous, pour le riche présent que je lui garantis, veut tenter une grande entreprise ? Cette récompense comblera tous ses vœux. Oui, je donnerai un char et deux chevaux à la tête superbe, les plus beaux qui soient sur les légers vaisseaux des Grecs, à celui qui osera, pour lui quelle gloire ! aller près de la flotte ennemie, afin d’apprendre si, comme auparavant, les navires sont gardés avec soin ; ou si, domptés par nos coups, les Grecs ont résolu de fuir, et si, vaincus par les fatigues, ils ne veulent plus veiller durant la nuit. »

Ainsi parle Hector ; et tous gardent un profond silence. Parmi les Troyens était un guerrier nommé Dolon, fils du héraut Eumède ; il possédait une grande abondance d’or et d’airain ; il était d’une figure désagréable, mais léger à la course, et fut le frère unique de cinq sœurs ; alors il se présente aux Troyens et à Hector, en tenant ce discours :

« Hector, mon courage et mon ardeur m’excitent à m’avancer près de la flotte des Grecs, pour apprendre ce que tu désires. Mais élève ton sceptre, jure de me donner les chevaux et le char qui portent dans les batailles le noble fils de Pélée. Je ne serai point un observateur inutile, je ne tromperai pas ton attente ; oui, je pénétrerai dans le camp des ennemis, j’irai jusqu’au vaisseau d’Agamemnon, où, sans doute, les plus illustres chefs délibèrent s’ils doivent fuir ou combattre. »

Soudain Hector prend son sceptre en main, et lui fait ce serment :

« Je prends à témoin Zeus lui-même, le formidable époux de Héra, que nul autre Troyen ne sera traîné par ces coursiers ; je jure qu’ils feront à jamais ta gloire. »

Il dit : ces vains serments ne s’accomplirent pas, mais ils enflamment le cœur de Dolon. Aussitôt il jette sur ses épaules un arc recourbé, revêt la dépouille d’un loup au poil brillant, pose sur sa tête un casque fait avec la peau d’une belette, et saisit un javelot acéré ; puis, loin de l’armée, il marche vers les vaisseaux ; mais il ne devait pas en revenir pour rapporter son message au vaillant Hector. Lorsqu’il à quitté le camp où reposent les chevaux et les soldats, il poursuit sa course avec célérité ; le sage Ulysse l’aperçoit, et dit à Diomède :

« Fils de Tydée, je vois venir à nous un guerrier du camp des Troyens ; je ne sais si c’est pour épier nos vaisseaux ou pour enlever les dépouilles des morts. Laissons-le d’abord s’avancer un peu dans la plaine ; ensuite, nous élançant avec rapidité, tâchons de le saisir. S’il nous devançait par la vitesse de sa course, poursuis-le toujours du côté des vaisseaux, et loin de l’armée troyenne, en le menaçant de ta lance, de peur qu’il ne s’échappe vers la ville. »

En parlant ainsi, tous les deux s’écartent du chemin et se cachent parmi les cadavres. L’imprudent les dépasse d’un pied rapide ; quand il est éloigné de toute la longueur d’un sillon, tracé par des mules plus promptes que les bœufs à traîner la pesante charrue dans un terrain fertile, les deux guerriers courent sur lui ; Dolon s’arrête en entendant le bruit de leurs pas. Il espérait, au fond de son âme, que ses compagnons venaient de l’armée des Troyens pour le rappeler, d’après un nouvel ordre d’Hector ; mais lorsque les deux guerriers ne sont plus éloignés que d’une portée de traits, et même moins encore, il reconnaît des guerriers ennemis, et soudain il s’enfuit, emporté par ses genoux agiles. Aussitôt les héros grecs se hâtent de le poursuivre : tels deux limiers à la dent cruelle, exercés à la chasse, poursuivent sans cesse et sans relâche à travers un pays boisé, soit un lièvre, soit un faon timide, qui fuit en bêlant ; de même, Diomède et le terrible Ulysse coupent la retraite au Troyen, en le poursuivant sans cesse et sans relâche. Mais lorsque, se dirigeant vers les vaisseaux, il est près de tomber au milieu des gardes, alors Athéna donne une force nouvelle au fils de Tydée, de peur que l’un des Grecs, en le prévenant, ne se vante d’avoir le premier frappé Dolon, et que lui n’arrive qu’après. Ainsi Diomède le presse de sa lance, et s’écrie :

« Arrête, ou je t’atteins avec ma lance, et je ne crois pas qu’alors tu puisses échapper à la mort funeste que te réserve mon bras. »

Il dit, lui jette un javelot, mais le manque à dessein ; la pointe brillante rase l’épaule droite et s’enfonce dans la terre. Dolon s’arrête en tremblant ; il balbutie, ses dents s’entrechoquent ; il est pâle de frayeur : bientôt, hors d’haleine, les deux guerriers l’atteignent et le saisissent ; alors, fondant en larmes, il les implore en ces mots :

« Laissez-moi la vie, je vous donnerai une forte rançon : mon père possède de nombreux trésors dans ses palais, de l’airain, de l’or, et du fer richement travaillé ; sans doute il vous comblerait de dons immenses s’il savait que je respire encore sur les vaisseaux des Grecs. »

« Rassure-toi, lui dit le prudent Ulysse ; repousse loin de ton esprit la pensée de la mort. Mais dis-moi, raconte tout avec franchise : pourquoi, loin du camp, viens-tu seul vers nos vaisseaux à travers la nuit ténébreuse, tandis que tous les autres mortels goûtent le sommeil ? Est-ce pour enlever les dépouilles des morts ? Hector t’a-t-il envoyé près de notre flotte pour nous épier ? ou viens-tu guidé par ton propre courage ? »

Dolon, que soutiennent à peine ses genoux tremblants, lui répond aussitôt :

« Hector, abusant mon esprit, m’a plongé dans de grands malheurs. Il jura de me donner les rapides coursiers et le char étincelant de l’illustre fils de Pélée ; puis il m’ordonna d’aller, à travers les ténèbres, près des troupes ennemies, afin d’apprendre si, comme auparavant, les navires étaient gardés avec soin ; ou si, domptés par nos coups, vous aviez résolu de fuir, et si, vaincus par les fatigues, vous ne vouliez plus veiller durant la nuit. »

« Certes, reprend Ulysse en souriant, ton cœur aspirait à de bien glorieux présents, les coursiers du terrible Éacide ! Sais-tu qu’il est difficile aux hommes de les dompter, et que nul ne peut les conduire, si ce n’est Achille lui-même, né d’une mère immortelle. Mais dis-moi, raconte tout avec franchise : en quels lieux, à ton départ, as-tu laissé Hector, pasteur des peuples ? Où sont posées ses armes guerrières ? Où sont ses chevaux ? Comment sont placés les gardes et les tentes des autres Troyens ? Qu’ont-ils résolu entre eux ? veulent-ils rester auprès de notre flotte, loin de leurs remparts, ou retourner dans leur ville, satisfaits d’avoir vaincu les Grecs ? »

« Oui, je te raconterai toutes choses avec franchise, lui répond Dolon, fils d’Eumède. Hector, au milieu des princes convoqués au conseil, délibère avec eux vers le tombeau du divin Ilos, loin du tumulte des armes. Quant aux gardes dont tu t’informes, ô héros, on n’en a point placé pour protéger et défendre le camp ; mais partout où les Troyens ont allumé les feux qui leur sont nécessaires, ils veillent et s’excitent mutuellement à faire une garde attentive. Pour les alliés, venus des terres étrangères, tous sont endormis ; ils laissent aux Troyens le soin de veiller, car ils n’ont auprès d’eux ni leurs enfants ni leurs épouses.»

« Mais ces alliés, interrompt le prévoyant Ulysse, reposent-ils confondus avec les Troyens valeureux, ou dans un lieu séparé ? dis-le-moi, que je le sache. »

« Je te le raconterai de même avec franchise, lui répond Dolon, fils d’Eumède. Sur les bords de la mer sont les Cariens, les Péoniens à l’arc recourbé, les Lélèges, les Caucones et les nobles Pélasges ; non loin de Tymbré campent les Lyciens, les Mysiens superbes, les braves cavaliers de Phrygie et les vaillants Méoniens. Mais pourquoi me demander tous ces détails ? Si vous désirez pénétrer dans le camp des Troyens, les Thraces, nouvellement arrivés, sont placés à l’écart et les derniers de tous. Au milieu d’eux est leur chef Rhésos, fils d’Éionée : j’ai vu ses grands et magnifiques coursiers, plus blancs que la neige et plus vites que les vents. L’or et l’argent, richement travaillés, étincellent sur son char ; il porte avec lui des armes d’or, superbes, admirables à voir ; elles semblent moins faites pour des hommes que pour les dieux immortels. Maintenant, conduisez-moi dans vos légers navires, ou bien en ces lieux laissez-moi chargé de pesantes chaînes, pour qu’à votre retour, après m’avoir éprouvé, vous sachiez si j’ai dit ou non la vérité. »

Le vaillant Diomède, lançant sur lui de terribles regards, s’écrie :

« Dolon, malgré tes bons avis, ne pense pas m’échapper, puis que tu viens de tomber en mes mains. Si nous acceptions ta rançon, si nous te délivrions, tu reviendrais encore épier les vaisseaux des Grecs, ou combattre contre nous ; mais si tu perds la vie, terrassé par mon bras, désormais tu ne seras plus funeste aux guerriers d’Argos. »

À ces mots, le Troyen suppliant allait lui toucher le menton avec la main ; mais le héros, se précipitant avec son épée, le frappe au milieu du cou, et tranche les deux nerfs de la gorge ; il parlait encore, que la tête roule dans la poussière. Soudain, ils enlèvent le casque, fait avec la peau d’une belette ; ils enlèvent aussi la dépouille du loup, l’arc brillant et la longue lance. Ulysse consacre ces armes à Athéna, qui préside au butin ; il les élève vers le ciel et prie en ces mots :

« O Déesse ! accepte avec joie cette offrande ; c’est toi, de toutes les divinités qui règnent dans l’Olympe, que nous implorons la première ; daigne maintenant nous conduire vers les coursiers et les tentes des guerriers de la Thrace. »

Il dit, et place ces armes au sommet d’un tamaris ; puis, comme un signe remarquable, il rassemble tout autour et des roseaux et des branches touffues du tamaris, de peur de ne point voir cette armure quand ils reviendront pendant la nuit ténébreuse. Tous deux alors s’avancent à travers les armes et les flots d’un sang noir ; bientôt ils parviennent jusqu’aux bataillons des Thraces, qui dormaient, accablés de fatigues : près d’eux leurs armes éclatantes reposent sur la terre, et sont rangées avec ordre sur trois lignes ; à côté de chaque guerrier sont deux chevaux, destinés au même joug. Rhésos dormait au milieu de ses soldats, et, près de lui, ses coursiers impétueux étaient liés par une courroie à l’extrémité de son char ; Ulysse l’aperçoit le premier, et, le montrant à Diomède :

« Voilà, dit-il, le roi des Thraces, voilà ses chevaux, comme nous les à dépeints Dolon, que nous venons d’immoler. Mais viens, déploie ta force terrible, tu ne dois pas rester oisif avec tes armes ; délie ces coursiers, ou bien extermine ces guerriers, et moi j’enlèverai les chevaux. »

À ces mots, Athéna souffle une ardeur nouvelle dans l’âme de Diomède ; il égorge tout autour de lui, et ceux que frappe son glaive rendent un sourd gémissement : la terre est baignée de leur sang. Tel un lion, survenant au milieu d’un troupeau sans berger, se précipite avec fureur sur les chèvres ou sur les brebis ; ainsi le fils de Tydée s’élance au milieu des Thraces, jusqu’à ce qu’il ait immolé douze guerriers. Ulysse traîne par les pieds ceux qui meurent sous le fer de Diomède, et les met à l’écart ; il agit ainsi, afin que las chevaux de Rhésos passent sans peine, craignant qu’ils ne soient effrayés, s’ils marchent sur des cadavres, car ils n’y étaient point accoutumés. Enfin, lorsque Diomède arrive près du roi, c’est le treizième auquel il arrache la douce vie qui s’exhale en soupirant. Durant cette nuit, un songe funeste s’était penché vers la tête de Rhésos sous les traits du fils de Tydée, et par les ordres d’Athéna. Cependant l’intrépide Ulysse délie les superbes coursiers, les attache avec les courroies, et les conduit loin de la foule, en les frappant de son arc, parce qu’il n’avait point songé d’enlever du char le fouet éclatant ; bientôt il fait entendre un sifflement léger pour avertir le brave Diomède.

Ce héros restait cependant, et méditait de plus hardis exploits. Prenant ce char où reposent des armes précieuses, il voudrait l’entraîner par le timon, ou l’enlever dans ses bras ; ou bien il voudrait encore exterminer un plus grand nombre de Thraces. Tandis qu’il roulait ces desseins dans sa pensée, la déesse Athéna s’approche, et lui dit :

« Songe à retourner vers tes vaisseaux, fils de Tydée, de peur que tu ne sois contraint de fuir, et qu’une autre divinité n’éveile les Troyens. »

Elle dit ; et Diomède à reconnu la voix de la déesse. Soudain il monte sur les coursiers de Rhésos ; Ulysse les frappe avec son arc ; ils volent en bondissant vers la flotte rapide des Grecs.

Cependant ils n’échappèrent point aux regards vigilants d’Apollon ; dès qu’il à reconnu Athéna accompagnant le fils de Tydée, aussitôt, irrité contre elle, il s’élance au milieu du camp des Troyens, et réveille l’un des Thraces, le sage Hippocoon, proche parent de Rhésos. Ce guerrier s’arrache au sommeil ; et quand il voit désert le lieu qu’occupaient les chevaux, quand il aperçoit les soldats palpitants au sein d’un horrible carnage, il gémit et nomme son ami fidèle. Aussitôt le tumulte et les cris s’élèvent de tous côtés parmi les Troyens ; ils accourent en foule, et contemplent avec horreur les affreux exploits des deux héros, qui, après avoir égorgé tant de guerriers, s’enfuyaient vers leurs profonds navires.

Arrivés à la place où ils immolèrent l’espion d’Hector, Ulysse, chéri de Zeus, arrête les coursiers ; le fils de Tydée s’élance à terre, et remet les dépouilles sanglantes dans les mains d’Ulysse ; puis il remonte et frappe les chevaux, qui volent avec rapidité vers la flotte, où les guerriers sont impatients d’arriver. Nestor le premier entend le bruit des chevaux, et s’écrie :

« O mes amis ! princes et chefs des Argiens, est-ce une erreur ou la vérité ? Mais je cède au besoin de le dire : un bruit de chevaux impétueux vient frapper mon oreille ; plût aux dieux qu’Ulysse et le fort Diomède eussent enlevé ces vaillants coursiers aux Troyens ! Mais combien je redoute, au contraire, dans le fond de mon cœur, que les plus braves des Grecs n’aient été accablés par la foule des Troyens ! »

Il n’avait pas fini de parler, que les deux guerriers arrivent : ils s’élancent à terre ; tous les rois, charmés ; les saluent de la main droite en leur adressant des paroles flatteuses ; mais, avant tous les autres, Nestor les interroge en ces mots :

« Dis-moi, vaillant Ulysse, toi, la gloire des Grecs, comment avez-vous enlevé ces coursiers ? Est-ce en pénétrant dans le camp des Troyens ? ou quelque dieu, s’offrant à vos regards, vous les aurait-il donnés ? Ils sont éclatants comme les rayons du soleil. Je me suis mêlé toujours aux combats des Troyens ; je ne pense pas être resté oisif auprès de nos vaisseaux, quoique je sois un vieux guerrier : cependant jamais je n’ai vu, jamais je n’ai découvert de semblables coursiers. Oui,sans doute, c’est le présent d’un dieu qui s’est offert à vous ; car, l’un et l’autre, vous êtes chéris de Zeus, roi des sombres nuées, et de la belle Athéna, fille de ce dieu puissant. »

« O Nestor, fils de Nélée, toi la gloire des Grecs, répond le sage Ulysse, il eût été facile à quelque divinité de nous donner des chevaux plus beaux encore, car les dieux sont plus puissants que nous ; mais ceux-ci, ô vieillard, sont des coursiers nouvellement arrivés de la Thrace : l’intrépide Diomède à tué le roi de ces contrées et douze de ses compagnons les plus braves ; le treizième, que nous avons immolé près des vaisseaux, est un espion qu’Hector et les autres chefs des Troyens envoyaient pour observer notre armée. »

À ces mots Ulysse, transporté de joie, fait franchir le fossé à ces chevaux agiles, et tous les autres Grecs se retirent en se réjouissant. Lorsqu’ils arrivent près de la tente du fils de Tydée, ils lient les chevaux avec de fortes courroies à la crèche où sont les rapides coursiers de Diomède, qui se repaissent d’un doux froment. Ulysse place au sommet de la proue les dépouilles sanglantes de Dolon, comme une pieuse offrande qu’il consacre à Athéna ; ensuite ces guerriers, plongeant dans la mer leurs jambes et leur tête, lavent la sueur abondante qui couvre leurs membres. Lorsque, dans les flots de l’onde amère, ils ont enlevé la sueur et ranimé leurs forces, ils entrent dans des bains habilement travaillés, pour s’y laver encore. Tous deux, après s’être ainsi baignés et frottés d’une huile onctueuse, s’asseyent pour prendre le repas ; alors, puisant un vin délectable dans l’urne pleine, ils font des libations en l’honneur d’Athéna.

Fin du chant 10 de l’Iliade

(Traduction de Jean-Baptiste Dugas-Montbel, 1828 –
Corrections Kulturica : re-hellénistation des noms propres)