Lors de son voyage d’études en Italie, effectué entre 1538 et 1547, le peintre et architecte portugais Francisco de Hollanda (1517-1585), qui bénéficie encore dans son pays d’un certain renom, rencontra Michel-Ange. Il prit note des conversations qu’il eut avec lui et il en publia le texte lorsqu’il fut rentré au Portugal. Il constituent la seconde partie de son essai Da pintura antigua, « à propos de la peinture antique », édité à Lisbonne en 1548.

Dialogues sur la peinture de Francisco de Hollanda en ligne

PrésentationPremier dialogueSecond dialogueTroisième dialogue

Michel-Ange, gravure de Francisco de Hollanda

Michel-Ange, vers 1538 (?), et donc âgé de 63 ans, tiré du carnet de dessin de Francisco de Hollanda.

C’est un fait : le nom de Michel-Ange n’a pas suffi à assurer à ces Dialogues de Francisco de Hollanda ni la notoriété, ni des rééditions régulières. Et on le comprend.

Ces dialogues sont, à première lecture, assez décevants : ils montrent Michel-Ange sous un jour terne, émettant des opinions simplistes, convenues, banales, bien loin du génie que l’on attendait, si loin d’ailleurs que l’on a émis des doutes sur la véracité de ces dialogues.

Il faut dire qu’entre la pensée de Michel-Ange et les mots écrits par Hollanda s’interposent deux filtres majeurs.

D’abord, la personnalité de Hollanda lui-même, jeune graveur ambitieux, qui se targue d’être peintre, imbu de lui-même, une personnalité qui se dévoile malgré des artifices naïvement déployés. Que pouvait comprendre, et donc restituer, ce jeune courtisan, du génie du vieil aigle qu’était alors Michel-Ange ?

Bien plus, l’objectif visé par Hollanda dans cet ouvrage n’était pas de présenter des idées de Michel-Ange, mais de se vendre lui-même et de vendre son art. Il tourne les dialogues de manière à mettre en relief son érudition, sa courtoisie. On l’écoute, on répond à ses questions, on va le chercher, on le retient. Le marché de l’art végète au Portugal ? Qu’à cela ne tienne : on expose à maintes reprises à quel point l’art est prisé en Italie et que les artistes y font des fortunes, pour donner à penser aux riches Portugais.

Les doutes au sujet de ces dialogues surgissent d’eux-même à leur lecture, mais c’est au quatrième et dernier dialogue que la certitude ce fait jour qu’il s’agit d’une recréation fictive à partir d’éléments discutables. Dans ce dernier dialogue, auquel ne participe pas Michel-Ange (et que, pour ce fait, nous n’avons pas publié dans ces pages), la teneur du discours est si conforme aux textes précédents, parfois au mot près, la pensée reste au même niveau, mélange de banalités, d’érudition stérile et parfois, même, d’absurdités, que la supercherie se révèle.

Que Hollanda ait rencontré Michel-Ange, cela est très probable. Mais que ces dialogues se fussent déroulés de la manière décrite, c’est bien moins certain.

Toutefois, ces dialogues recèlent d’intéressantes informations qui ne se dévoilent pas de but en blanc.

Par exemple, ils concordent avec ce que l’on peut lire dans la seconde version de la biographie de Michel-Ange par Vasari : Michel-Ange, dont les débuts avaient ressemblé à une course d’obstacles, était arrivé au sommet, côtoyait les grands et était respecté d’eux.

Condivi, dans sa Vie de Michel-Ange, décrit longuement l’opposition farouche du père de l’artiste quand son fils de 13 ans montre des talents indéniables pour le dessin, car la carrière de peintre était alors mal vue. Quelques dizaines d’années plus tard, les mentalités semblent avoir radicalement changé, et la vision de l’artiste est plus ou moins devenue ce qu’elle est encore aujourd’hui. On le doit à l’excellence d’artistes comme Raphaël ou Leonard de Vinci, qui fut, à la fin de sa vie, le confident de François 1er, mais c’est Michel-Ange qui fut indéniablement le premier artiste « moderne ».

L’édition disponible sur Kulturica est celle de Léo Rouanet et date de 1911. C’est la seule disponible en français, à notre connaissance du moins, à l’exception d’une version très incomplète due à Auguste Roquement et publiée en 1846. Elle est augmentée de notes intéressantes, mais le texte lui-même est parfois difficile à comprendre (le traducteur a-t-il voulu dire cela, ou son contraire ?), défaut qu’il faut sans doute attribuer à l’original.

Malgré le peu d’intérêt de ces textes, et que pour ces raisons, nous avons débarrassés de toutes les parties qui ne concernaient pas Michel-Ange (préface, prologue, dernier dialogue, conclusion), Kulturica se devait de présenter ces textes, par hommage à ce grand artiste.