HistoriquePrésentation de l’œuvreDiscographie sélective

Léopold II, rois de Bohème

Léopold II, archiduc d’Autriche, empereur des Romains, mais aussi roi de Bohème (la couronne de Bohème est partiellement visible, à gauche de l’image)

La Clemenza di Tito, l’un des plus célèbres opéras du genre tombé en désuétude depuis deux siècles de l’opera seria, a été crée le 6 septembre 1791 pour les festivités qui accompagnaient, à Prague, le couronnement du nouveau roi de Bohème, par ailleurs archiduc d’Autriche et empereur du Saint Empire Romain Germanique, Leopold II.

Lorsqu’il reçut la commande pour ce nouvel opera seria, il restait moins de deux mois à Mozart pour le composer.

Déjà occupé par la composition de la Flûte enchantée pour le théâtre de Schikaneder, préoccupé par de graves problèmes financiers, peut-être également déjà en proie à des désordres psychologiques et physiques symptomatiques de sa dernière maladie, on se demande toujours comment cet homme qui n’avait plus que quelques mois à vivre a pu réussir à faire réviser en profondeur le livret de Metastasio sur lequel il devait composer et écrire la musique et les airs et ensembles sublimes qui animent cette œuvre. D’autant que, dans les jours qui précédèrent ou suivirent la commande de l’opéra, un homme mystérieux (mais on apprit par la suite pour le compte de qui il agissait) vint passer également commande d’une œuvre d’envergure, un Requiem, évènement que Mozart, semble-t-il, prit pour un funeste augure de sa mort prochaine.

La Clemenza di Tito est longtemps resté un opéra mal aimé. Il existe de nombreuses raisons à cela, sans grand rapport avec la qualité de sa musique :

– Malgré la présence, dans les rôles principaux, de chanteurs de tout premier ordre venus exprès d’Italie pour charmer les oreilles du nouveau souverain et de son épouse, cette dernière fut loin d’apprécier l’œuvre. Elle dénigra vigoureusement La Clemenza di Tito, par des mots qui ont traversé l’histoire : una porcheria tedescha in lingua italiana, une cochonnerie allemande en langue italienne.

– La très courte période de temps que Mozart put, apparamment, consacrer à cet opéra et qui convainquit les érudits que Mozart dut confier la composition, au moins des récitatifs, à son élève Süssmayr, et qu’il "bacla" le reste.

– L’impresario Guardasoni, qui était en contrat avec le Théâtre des États de Bohème à Prague pour l’organisation d’une série de représentations de ce nouvel opéra, réclama auprès de son mandataire une somme compensant la faiblesse des recettes, faisant supposer que l’opéra était un échec.

– L’abondance de récitatifs, pourtant inhérente au genre seria et que le librettiste de Mozart, Mazzola, avait pourtant notablement réduits.

– Enfin, contrairement à Idomeneo, qui bénéficia de toute l’ardeur juvénile de Mozart, et composé dans la bienveillante atmosphère de la cour de Munich, La Clemenza di Tito fut mis en musique pour les oreilles très italiennes de Leopold II, ancien grand-duc de Toscane, et de son épouse Maria Ludovica, fille du roi de Sicile et de Naples. Mozart visait donc le modèle de l’opera seria italien de la fin du 18e siècle, qu’il connaissait pas ses longs séjours en Italie, modèle totalement tombé en désuétude, à l’exception de cette Clémence de Titus, et que les tenants des mouvements « historiquement informés » commencent seulement à redécouvrir.

Pourtant, même s’il est peu probable que La Clemenza di Tito atteigne jamais la popularité de la "trilogie Da Ponte" – Le Nozze di Figaro, Don Giovanni et Così fan tutte – ou celle de la "féerie spirituelle" de La Flûte enchantée, quelques "baroqueux", parmi les plus talentueux, nous ont fait découvrir ce qui nous apparaît, joué dans le style de son époque, comme un tout nouvel opéra de Mozart, un enchantement qui se situe sur les mêmes hauteurs que les deux autres grandes œuvres vocales de la fin de sa vie, La Flûte enchantée et le Requiem.

Le grand duc et la grande duchesse de Toscane avec leur famille, tableau de Wenceslaus Werlin, Kunsthistorisches Museum de Vienne

Leopold et son épouse Maria Ludovica, entourés de leur déjà nombreuse famille, à l’époque où ils étaient grand duc et grande duchesse de Toscane. A droite, on distingue de Dôme de Florence. Au dessus, le tableau central représente la mère du grand duc, l’archiduchesse Marie-Thérèse d’Autriche (tableau de Wenceslaus Werlin, Kunsthistorisches Museum de Vienne)