La Vénus de Milo

Vénus de Milo
Musée du Louvre, Paris

Retrouvée en 1820 dans l’île de Milo, cette statue représente très probablement Aphrodite (Vénus pour les Romains). La datation avancée (120-80 avant JC) est par contre très incertaine, et vient d’un rapprochement stylistique avec une tête de la fin de l’époque hellénistique. Mais le drapé, nerveux et irrégulier, la rapprocherait tout aussi bien des statues du Parthénon.

Pièce cnidienne représentant la statue d'Aphrodite, oeuvre de Praxitèle

Bien que d’une facture moins virtuose, elle est peut-être la seule statue authentiquement grecque qui soit comparable, sur le plan artistique, aux plus belles «copies romaines» telles que l’Apollon du Belvédère ou l’Hermès portant Dionysos enfant. Elle pourrait être une copie (ou l’original, pourquoi pas ?) de la Vénus vêtue, pendant de l’Aphrodite de Cnide (représentée sur la pièce cnidienne ci-contre – comparer notamment la coiffure, les seins, le sillon au dessus du nombril et la position des jambes, la droite tendue et le genou plié de la gauche tourné vers l’intérieur), et toutes deux oeuvres de Praxitèle.

Voici ce qu’en dit Pline l’Ancien, dans son Histoire naturelle, au chapitre 4 du 36e livre, consacré aux pierres :

« En parlant des statuaires, nous avons indiqué l’époque de Praxitèle qui, par la gloire de ces ouvrages de marbre, a surpassé jusqu’à lui-même. Il y a des ouvrages de lui à Athènes, dans le Céramique. Mais avant toutes les statues non seulement de Praxitèle, mais de l’univers entier, est sa Vénus, qui a fait entreprendre à bon nombre de curieux le voyage de Cnide. Il en avait fait deux ; il les vendit ensemble : l’une était vêtue, et par cette raison fut choisie par les habitants de Cos, qui avaient le choix; la seconde ne coûtait pas plus cher, mais ils crurent faire preuve de sévérité et de pudeur. Les Cnidiens achetèrent la statue rebutée : la différence est immense pour la réputation.

Dans la suite le roi Nicodème voulut l’acheter des Cnidiens, promettant de payer toute leur dette publique, qui était énorme; mas ils aimèrent mieux tout endurer, et avec raison; car par cette figure Praxitèle a fait la gloire de Cnide. Le petit temple où elle est placée est ouvert de tous côtés, afin que la figue puisse être vue en tous sens, la déesse même y aidant, à ce qu’on croit. Au reste, de quelque côté qu’on la voie, elle est également admirable. Un individu, dit-on, se passionna pour elle, se tint caché pendant la nuit dans le temple, et se livra à sa passion, dont la trace est restée dans une tache. Il y a aussi à Cnide d’autres statues de marbre d’artistes célèbres : un Bacchus de Bryaxis, un autre Bacchus de Scopas, et une Minerve du même; et ce qui ne prouve pas le moins en faveur de la Vénus de Praxitèle, c’est qu’au milieu de tels ouvrages on la cite seule. »

Ce torse sublime, en tout cas, pourrait parfaitement avoir eu pour modèle celui de la maîtresse et modèle favori de Praxitèle, la belle Phryné, au sujet de laquelle Athénée de Naucratis rapporte l’anecdote suivante :

« Hypéride, l’avocat de Phryné, n’ayant pas réussi à émouvoir les juges [elle avait été accusée de meurtre, et risquait la peine de mort] et se doutant qu’ils allaient la condamner, décida de la mettre bien en vue, déchira sa tunique et dévoila sa poitrine à tout le monde. À ce moment, il tint des arguments si pathétiques que les juges, pris soudain d’une frayeur superstitieuse vis-à-vis d’une servante et prêtresse d’Aphrodite, se laissèrent gagner par la pitié et s’abstinrent de la mettre à la mort. Toutefois, après son acquittement, un décret fut voté, par lequel aucun défenseur ne saurait user de sensiblerie et qui, en outre, interdisait à tout personne accusée d’être regardée par ses juges. » (traduction recueillie sur le site de Philippe Remacle)