La discographie des Quatre Saisons est pléthorique, et chaque époque a apporté sa moisson de moments de grâce et de ratages, donnant chacun un éclairage nouveau et essentiel (oui, même les ratages) sur ces oeuvres très particulières. Voici, en résumé, le choix de Kulturica (mais pour combien de temps ?) :

Kulturica

Bref apperçu historique

D’abord, avec la redécouverte, dans les années 50, des ces concertos, dont la beauté solaire, évidente, répondait à un besoin fondamental de cette époque encore traumatisée par des années de souffrance, comme un corps malade a besoin d’onguents parfumés et de miel.

Puis 20 ans plus tard, lorsque les "baroqueux" s’attaquèrent à ce répertoire, Harnoncourt et sa version au vitriol ouvrant la marche. Comme tant d’autres oeuvres de la même époque, les Quatre Saisons étaient transfigurées par ces nouvelles sonorités.

Enfin, 20 ans encore plus tard, lorsque les premiers enregistrements de "baroqueux" italiens nous parvinrent : c’est là que le miracle s’opéra, et que l’on comprit l’admiration que Bach éprouvait pour Vivaldi. Aux sonorités des instruments anciens, mieux maîtrisées, s’ajoutaient une réelle virtuosité des interprètes, un plaisir évident de jouer ce répertoire, et une pure et jubilatoire italianità.

Sélections

S’il semble impossible de faire un décompte exhaustif des versions au disque, on peut toutefois dégager quelques "groupes" :

– les versions "anciennes" réalisées sur des instruments modernes, par de petites formations, la plupart italiennes. Ces pionniers s’appelaient Ephrikian et la Scuola Veneziana, Fasano et I Virtuosi di Roma, Scimone et I Solisti Veneti, I Musici… Ce n’étaient pas exactement les instruments pour lesquels Vivaldi écrivait, mais c’est magnifiquement joué, avec un esprit très italien, et ce sont eux qui nous ont fait redécouvrir ces œuvres. Certains avaient même entrepris des intégrales de musique instrumentale ou vocale de Vivaldi, ce qui montre leur fidélité et leur respect pour ce répertoire. Ce n’est peut-être pas "la" vérité sur ces œuvres, telle que l’ont redécouverte les spécialistes de la musique baroque, mais c’est "une" vérité, un souffle, un esprit. Dans cette mouvance, la plus belle version des Quatre Saisons est sans doute celle de 1959, des Musici, avec Felix Ayo, chez Philips. Il existe une version plus ancienne avec exactement les mêmes interprètes (1955), mais nettement moins bien enregistrée, et des versions plus tardives où les Musici accompagnent d’autres solistes, mais aucun n’est aussi belle et poétique que la version de 1959. Pour la petite histoire, c’est l’une des plus belles ventes de disques de tous les temps.

– les versions réalisées également sur des instruments modernes et dont le violon est tenu par une grande star du violon. Ces disques s’adressent aux inconditionnels de la star en question seulement. Malheureusement, cela n’a rien à voir avec Vivaldi.

Le violoniste Thomas Zehetmair

Thomas Zehetmair, qui n’est pas à proprement parler une star, est l’un des rares violonistes "modernes" qui ait intégré la "leçon" baroque, et ses Quatre Saisons ont un souffle et une énergie comme aucune autre. Il ne joue comme personne d’autre de sa génération, et possède une virtuosité suffisante pour surmonter superbement (la Chaconne de Bach !). Ce grand violoniste est également l’interprète, sous la direction de Brüggen, d’un concerto pour violon de Beethoven d’anthologie, le plus beau depuis la version historique de Menuhin sous la direction de Furtwaengler.

– enfin, les différentes étapes de la révolution baroque "vivaldienne" :

Dans les années 1960, des pionniers non italiens avaient décidé d’explorer le monde de la musique d’avant Mozart, mais qui, devant les difficultés de se procurer et de maîtriser les instruments anciens, ont préféré jouer sur instruments modernes, en apportant toutefois des changements à la manière d’interpréter, à l’équilibre des parties… Parmi ces versions, il faut citer celle de Marriner, avec The Academy of St Martin in the Fields avec, au violon, Alan Loveday.

La version explosive des Quatre Saisons par Harnoncourt

Les premières versions sur instruments anciens, qui sont apparues à la fin des années 1970, versions anglaises, suisses, flamandes, allemandes… ont révolutionné les Quatre Saisons. A signaler, l’une des toutes premières, la version d’Harnoncourt, très décapante dans un coffret de 2 CD, avec les 8 autres concertos de l’opus 8.

La très grande Monica Huggett

A signaler aussi encore la très belle réalisation de Monica Huggett avec les Raglan Baroque Players et Nicholas Kraemer. Monica Huggett est l’une des plus extraordinaires violonistes baroques actuelles, et sans doute la plus humaine et la plus attachante.

Pour quelques euros de plus, vous pouvez également explorer le coffret de 4 CD de Vivaldi par Monica Huggett, comprenant l’opus 8 (dont font partie les Quatre Saisons) et l’opus 9.

Les premiers témoignages de baroqueux italiens ont commencé à être distribués hors de la péninsules au début des années 1990. Chaque nouvel enregistrement apportait quelque chose de neuf, d’enthousismant.

Le premier enregistrement des Quatre Saisons par Fabio Biondi

Le premier enregistrement des Quatre Saisons par Biondi avec l’Europa Galante en 1991 a causé un choc : non seulement ces italiens avaient appris la leçon baroque et jouaient de manière aussi philologique que leurs ainés, mais en plus ils apportaient à cette musique quelque chose que l’on n’avait plus entendu depuis longtemps : l’italianità !

Les Quatre Saisons par le Giardino Armonico

Le choc fut suivi de deux autres :

– l’un, encore plus fou, celui d’Onofri avec Il Giardino Armonico en 1994 (Teldec). Pour Teldec, le Giardino a enregistré également quelques grands disques vivaldiens, notamment les concertos de chambre, peu enregistrés.

Giuliano Carmignola et les Sonatori : les Quatre Saisons les plus équilibrées

– l’autre, peut-être encore plus virtuose, d’une très grande élégance, également de 1994, par Carmignola et les Sonatori de la Gioiosa Marca, chez l’éditeur suisse Divox. Giugliano Carmignola a poursuivi une brillante carrière de soliste du violon baroque, et les Sonatori restent l’un des ensembles les plus passionants parmi les baroqueux italiens. Chacun de leurs enregistrements (chez Divox, Erato, Arts, Naïve…) sont à marquer d’une pierre blanche.

Fabio Biondi et son ensemble Europa Galante ont réenregistré les Quatre Saisons, pour leur nouvel éditeur Virgin-EMI. Cet enregistrement se situe en deça du précédent.

Dans le même temps, Carmignola enregistrait avec le chef Andrea Marcon et le Venice Baroque Orchestra trois disques de toute beauté : encore une fois les Quatre Saisons, ainsi que deux CD de concertos virtuoses de Vivaldi. La prise de son est exceptionnelle, l’interprétation également.

Puis les enregistrements se sont multipliés, et les nouveautés passent presque inaperçues, malgré des enregistrements de grande qualité, notamment ceux de l’Accademia Bizantina dirigée par Ottavio Dantone (au sein du volume 1 de l’opus 8, Il Cimento dell’armonia e dell’inventionele volume 2 est également remarquable, comme le sont le volume 1 et le volume 2 de l’opus 3) et de l’Arte dell’ Arco, dirigé par Federico Guglielmo.

Actuellement, deux enregistrements récents sont particulièrement enthousiasmants, grâce à un réalisme des effets sonores qui ne nuisent jamais à la beauté formelle :

Les Quatre Saisons des Musici Aurei
Le coffret Vivaldi de la Magnifica Comunità

celui de l’ensemble Musica Aurei, dirigé par un grand nom du violoncelle baroque, Luigi Piovano (ses Suites pour violoncelles de Bach sont les meilleures enregistrées depuis longtemps), pour un tout petit label, Eloquentia,

celui de la magnifica Comunità, dirigée par Enrico Casazza, pour le label Brilliant que l’on peut se procurer pour un prix absolument dérisoire.

Kulturica

Le premier album Vivaldi de l'Insieme Strumentale di Roma
Le second album Vivaldi de l'Insieme Strumentale di Roma

Un autre ensemble de très grande qualité, l’Insieme Strumentale di Roma, n’a pas enregistré les Quatre Saisons, mais deux almbums consacrés à des concerti "rares" de Vivaldi, deux pures merveilles, les plus beaux enregistrements de Vivaldi jamais réalisés, selon Kulturica : Concerti per archi et l’Elite des concertos italiens.