Au moment où Concerto, son 7e livre de mardigaux, est publié en 1619, Monteverdi était à Venise depuis 6 ans.

Son précédent recueil, le 6e livre de Madrigaux, avait publié peu après son arrivée à Venise : il ne contient que des compositions faites vraisemblablement à Mantoue et à Crémone, où il s’était réfugié par deux fois après la perte de son épouse (Sestina o Lagrime d’amante al sepolcro dell’amata, et une transcription à 6 voix du Lamento d’Arianna). Et, de fait, certains de ces madrigaux sont les plus poignants qu’il ait réalisés. Leur forme également évolue : certains madrigaux sont accompagnés ("concertati", au lieu de la forme traditionnelle a capella) et l’un d’entre eux est un "dialogue" à 7 voix.

Le 7e Livre, quant à lui, rompt radicalement avec la forme classique du madrigal à 5 voix a capella. Il témoigne de la liberté et de la foisonnante inspiration de ce compositeur hors normes. En fait, il y a toutes les associations de voix possibles, de 1 à 6, sauf les classiques 5 voix.

Monteverdi fait la part belle aux duos, duos de sopranos et de ténors, où les voix se mêlent de façon particulièrement sensuelle. Mais, chose nouvelle et en accord avec l’époque, quelques pièces pour voix seules :

le virtuose Tempro la cetra, qu’il faut entendre chanter par Eric Tapy, malgré une orchestration un peu lourde, dans le très vieil enregistrement d’Edwin Loehrer,

les deux lettres amoureuses, la Lettera amorosa et sa réponse, la Partenza amorosa, deux déclamations chantées, magnifiques exemples de "recitar cantando", d’une manière qui rappelle quelque peu le Lamento, qui brillent par une hardiesse de ton et par la profondeur de sentiments exprimés sans fard,

– le très raffiné (sans être précieux) Con che soavità, d’une veine différente, très mélodique ; le poème mis en musique est de Guarini et traite d’un paradoxe dont les hommes de la Renaissance étaient friands : on ne peut à la fois embrasser et écouter la même bouche.

Le recueil se termine par un ballet, Tirsi e Clori, qui avait été représenté en 1616 à Mantoue, où Monteverdi avait gardé des contacts.

L’ensemble du recueil est d’une très grande beauté musicale, d’une part, sans trace d’archaïsme et, d’autre part, d’une grande vérité de sentiments : pas de préciosité, ni d’affectation.

De fait, on peut imaginer pièces vocales plus variées, plus grande gamme de sentiments et d’impressions décrites dans ces madrigaux… tant que l’on n’a pas écouté le 8e Livre.

Liste des madrigaux du 7e livre

Concerto. Settimo libro de madrigali, a 1 2 3 4 & 6 voci, con altri generi de canti (1619)

• 1 Tempro la cetra, sonetto del Sig. Giambattista Marino, a voce sola (tenore), con sinfonia e ritornelli per 5 parti strumentali.
• 2 Non è di gentil core chi non arde, madrigale d’incerto (Francesca dagli Atti ?), a due soprani.
• 3 A quest’olmo, a quest’ombre, sonetto del Sig. Giambattista Marino, concertato a sei voci.
• 4 O come sei gentile, caro augellino, madrigale del Sig. Battista Guarini, a due soprani.
• 5 Io son pur vezzosetta pastorella, sonetto d’incerto (Accademico Incolto degli Immaturi), a due soprani.
• 6 O viva fiamma, o miei sospiri ardenti, sonetto d’incerto, a due soprani.
• 7 Vorrei baciarti, o Filli, madrigale da "Gli Amori" del Sig. Giambattista Marino, a due alti.
• 8 Dice la mia bellissima Licori, madrigale del Sig. Battista Guarini, a due tenori.
• 9 Ah, che non si conviene romper la fede? madrigale d’incerto, a due tenori.
• 10 Non vedrò mai le stelle, madrigale d’incerto, a due tenori.
• 11 Ecco vicine, o bella tigre, l’hore, sonetto del Sig. Claudio Achilini, a due tenori.
• 12 Perchè fuggi tra salci, ritrosetta? madrigale da "Gli Amori" del Sig. Giambattista Marino, a due tenori.
• 13 Tornate, o cari baci, madrigale da "Gli Amori" del Sig. Giambattista Marino, a due tenori.
• 14 Soave libertate, canzonetta del Sig. Gabriel Chiabrera, a due tenori.
• 15 S’el vostro cor, madonna, madrigale del Sig. Battista Guarini, a dua vocci (tenore, basso).
• 16 Interrotte speranze, sonetto del Sig. Battista Guarini, a due tenori.
• 17 Augellin, che la voce al canto spieghi, madrigale d’incerto, a due tenori e un basso.
• 18 Vaga su spina ascosa, canzonetta del Sig. Gabriel Chiabrera, a due tenori e un basso.
• 19 Eccomi pronta ai baci, Ergasto mio, madrigale da "Gli Amori" del Sig. Giambattista Marino, a due tenori e un basso.
• 20 Parlo, miser’o taccio? madrigale del Sig. Battista Guarini, a due soprani e un basso.
• 21 Tu dormi? Ah crudo core, madrigale d’incerto, a quattro voci (soprano, alto, tenore e basso).
• 22 Al lume delle stelle madrigale del Sig. Torquato Tasso, a quattro voci (soprano, alto, tenore e basso).
• 23 Con che soavità, labbra odorate, madrigale del Sig. Battista Guarini, concertato a una voce (soprano) e 9 instromenti.

• 24 Ohimè, dov’è il mio ben ? ottava del Sig. Bernardo Tasso, romanesca a due soprani.
• 25 Se i languidi miei sguardi, Lettera amorosa del Sig. Claudio Achilini, a voce sola (soprano).
• 26 Se pur destina e vole il cielo, Partenza amorosa a voce sola (tenore).
• 27 Chiome d’oro, bel tesoro, concertato a due soprani e 3 instromenti (2 violine, chitarrone o spinetta).
• 28 Amor che deggio far? concertato a quattro voci (due soprani, tenore e basso) e 3 instromenti (2 violine e liuto).
• 29 Dialogo e Ballo d’incerto : Tirsi e Clori, a due voci (soprano, tenore) e 8 instromenti.

Discographie

Contrairement au huitième livre des madrigaux de Monteverdi, le septième livre est assez peu servi au disque, et aucun enregistrement ne peut prétendre à la perfection. Mais l’existant recèle cependant de nombreux trésors.

Les premiers enregistrements intégraux ou presque du 7e livre ont été faites avant le « grand retour » de la musique baroque, et ces versions sont bien datées, celle de Raymond Leppard, en particulier, chez Philips. Par contre, on doit saluer l’instinct musical d’Edwin Loehrer et de la plupart de ses solistes. Malgré des instruments modernes qui sonnent assez mal dans cette musique mais qui savent se montrer discrets, malgré surtout un effectif de choristes trop lourd, on tient toujours là, 50, voire 60, ans après, des enregistrements marquants des Tempro la cetra (merveilleux Eric Tappy !), Con ché soavità (merveilleuse Cettina Cadelo !), Lettera amorosa (magnifique Elena Rizzieri !)… S’il est assez difficile de se procurer le CD (via ce lien ou cet autre lien), on peut du moins télécharger quelques uns de ces chefs-d’oeuvre (mais pas tous, hélas, et ceux que l’on peut télécharger ne sont pas toujours les plus heureux).

Roberto Gini avait signé, en 1987 et 1988, avec son ensemble Concerto, le second enregistrement intégral du livre 7, pour le label italien Tactus. Malgré les difficultés que l’on peut rencontrer à se procurer cet enregistrement, c’est sans doute celui-ci que nous trouvons le plus intéressant, malgré quelques faiblesses, compte tenu de son indiscutable théâtralité et de quelques unes des plus belles voix de cette discographie. Les signore Cettina Cadelo et Cristina Miatello, dans leurs duos, sont d’une suavité et d’une sensualité sans la moindre mievrerie, et le ténor Carlo Gaifa et se place comme le digne héritier d’un Tappy ou d’un Jürgens, l’italianità en plus. Et les autres solistes ne sont pas en reste. On peut se procurer la réédition Brilliant chez Amazon (premier volumesecond volume). C’est la version des vrais amateurs de Monteverdi.

L’enregistrement du livre 7 par l’ensemble la Venexiana est plus récent. Il est par ailleurs superbe et se situe bien dans la lignée des réalisations de cet ensemble, soignées, élégantes, aussi fidèles que nous puissions en juger. C’est un régal pour l’oreille, mais qui manque un tout petit peu de théâtre. De plus, à notre oreille, les timbres de certaines voix manquent de charme. c’est la version pour ceux qui aiment un travail parfait.

Enfin, dernière en date, la version de l’ensemble vocal masculin et instrumental Delitiae Musicae, dirigé par Marco Longhini, qui se distingue d’une part, pas son excellence tant instrumentale que vocale et, d’autre part, pas l’absence de voix de femmes. C’est un choix, plus personnel, à notre sens, que musicologique, il y a autant d’indices concluant au fait que ces madrigaux-ci aient été composés pour voix d’hommes seulement ou pour voix mixtes. Pour notre part, nous ne saurions imaginer un Chiome d’oro idéal, par exemple, sans voix féminine. Pour ceux que ce parti pris ne rebute pas, cette version est assurément celle à posséder en priorité. Un point important est que ce double-album est une réalisation du label Naxos, donc disponible à prix léger.