Introduction

Portrait de Monteverdi par Bernardo Strozzi, vers 1640
Portrait de Monteverdi par Bernardo Strozzi, vers 1640

Pendant plus de trois siècles, la musique de Monteverdi, qui avait enchanté la cour de Mantoue et enflammé Venise, était tombée dans l’oubli. Malgré le travail de pionnier effectué par une poignée de musiciens dès les premières décennies du 20e siècle, et parmi eux cette immense artiste qu’était Nadia Boulanger, ce n’est qu’au cours des années 1970 que l’on a commencé à pouvoir entendre des oeuvres de Monteverdi jouées sur instruments anciens, et ce n’est que depuis ces toutes dernières années que l’on dispose d’enregistrements "stylistiquement corrects" de la quasi totalité de son oeuvre.

Chaque nouvel enregistrement, chaque nouvelle production confirment un peu plus le fait que c’est Monteverdi, et aucun autre, qui a fait évoluer la musique occidentale d’un style encore médiéval au début de la Renaissance vers ce que l’on appelle désormais la musique baroque, avec une rapidité et un degré de nouveauté tels que l’on doit parler de révolution.

Avec son Orfeo, Monteverdi a posé les bases d’un nouveau genre, l’opéra, il concrétisé les souhaits de la Contre-Réforme en matière de musique religieuse, ainsi que les idées de la Camerata Fiorentina dans le domaine profane, dont les idéaux exigeants et révolutionnaires avaient besoin d’un génie tel que lui pour les transmuer en musique. Mais surtout, de même que Michel-Ange, à l’aube de la Renaissance, a mis l’homme plutôt que le divin au coeur de son art, Monteverdi a mis l’homme et les passions humaines au coeur de sa musique.

Ces innovations n’ont été rendues possibles que parce que Monteverdi a su pousser à un extrême degré de perfection, de musicalité et de théâtralité, mais aussi de naturel, d’humanité, de passions, le stile rappresentativo et le recitar cantando. Le "recitar cantando" monteverdien (à ne pas confondre avec le récitatif) est la "mise en mélodie" d’un texte, et seuls quelques rares compositeurs ont su y insuffler autant de musique. Bach, dans ses cantates, Mozart dans ses "récitatifs avec aria" y sont parvenus de manière ponctuelle, mais il faudra attendre Verdi et son Otello (1887) et son Falstaff (1893), ainsi que la dernière versions de son Simone Boccanegra, Debussy et son Pelléas (1902) pour jouir à nouveau de cette musique intimement liée au texte comme matière de tout un opéra.

De sa formation à Crémone jusqu’à son apothéose à Venise, en passant par son "laboratoire de musique nouvelle" à Mantoue, nous allons suivre les pas de cet artiste de génie qu’était Monteverdi.