Athéna, déesse de la Sagesse et assimilée à la déesse latine Minerve, est l’une des principales divinités du panthéon grec. Première enfant de Zeus, selon l’orthodoxie, elle fut sa plus grande alliée face à ses ennemis et fut la déesse tutélaire de la ville d’Athènes.

Athéna

Les origines d’Athéna

Athéna est née au bord du lac Tritonis, lac du dieu Triton.

Autrefois, un grand lac salé occupait une grande partie de ce que l’on appelle aujourd’hui la Tunisie. Ilse jetait dans la Mediterranée au niveau du Golfe de Gabès. De ce lac légendaire, que les Grecs nommaient lac Tritonis en l’honneur du dieu Triton qui le gouvernait, il ne reste qu’une vaste étendue de sel au milieu du sable, le Chott-el-Jerid, dans la région de Gafsa et de Tozeur.

La côte nord-ouest de l’Afrique se nommait la Lybie et il semble qu’une importante communauté lybienne se soit installée en Grèce dans un lointain passé.

Triton était un dieu marin, tels Pontos, Nérée, Thaumas et Phorcys, dont beaucoup font partie de la descendance "monstrueuse" de Gaïa et sont liés aux époques "barbares", avant la prise de pouvoir par Zeus, ce qui signifie que ces divinités sont très anciennes. Triton, lui, passe pour être un enfant de Poséidon, frère de Zeus, et d’Amphitrite, comme le dit Hésiode. Pourtant, il paraît certain que ces divinités marines furent, à l’origine, les divinités tutélaires des diverses tribus qui vivaient autour ou au coeur – les îles – de la Mediterranée.

Les légendes les plus courantes font d’Athéna la fille de Zeus. Cependant, cette interprétation, comme on le verra, est tardive et pose des problèmes de chronologie. Mais elle est bien commode, car elle établit un lien puissant de vassalité entre la digne et sage déesse et son "supérieur" Zeus, souvent bien moins sage et bien moins digne.

D’autres légendes font d’Athéna la fille d’un certain Pallas, un géant ailé au corps de bouc, qu’elle massacra alors qu’il tentait d’abuser d’elle. Elle lui arracha la peau, s’en fit une égide et accola son nom au sien, devenant Pallas Athéna.

Mais, selon d’autres légendes, Pallas était la fille de Triton (ce qui serait appuyé par l’épithète de "Tritogénie" dont on qualifie Athéna), et certains font de Pallas et d’Athéna une seule et même déesse, mais d’autres font de Pallas la compagne de jeux d’Athéna que celle-ci tua accidentellement. On attribue à Triton une autre fille, Tritéia, qui fut une prêtresse d’Athéna.

Des légendes peu claires relient également Athéna à la Phtiotide, région de la Grèce antique située au fond de l’actuel golfe de Lamia, autour de la ville de Phthie, dont Pélée deviendra le roi. Ces légendes font d’Athéna la fille du roi Itonos, et elle tua sa soeur Iodama en lui montrant la tête de la Gorgone. Mais, selon d’autres légendes, Athéna n’était pas la fille d’Itonos et Iodama était une prêtresse d’Athéna (et fille d’Itonos).

Pour reprendre les réflexions de Robert Graves, il semblerait donc que ces légendes anciennes témoignent d’une passation de pouvoir (a priori pacifique) du "père" Tritonis vers sa "fille" Athéna (ou Neith…), et que l’on soit passé, à une époque reculée, du patriarcat au matriarcat. Des traditions encore vivaces en Afrique du Nord le confirmeraient.

 

L’Athéna olympienne

Athéna, ou Neith, étant déesse tutélaire du grand peuple lybien dont une importante communauté s’établit en Grèce, il fut difficile aux prêtres de Zeus de minimiser, comme ils le firent pour de nombreuses divinités, l’importance d’Athéna. Ainsi, elle devint la fille aînée et préférée de Zeus, qui alla même, comme le dit la légende, jusqu’à l’enfanter.

Avant d’épouser sa soeur Héra, Zeus eut plusieurs épouses et de nombreuses concubines. La première de ces épouses fut Métis, nom qui signifie Prudence, une titanide, fille du Ciel et de la Terre. Ce nom à forte teneur philosophique, qui préfigure la sagesse de la future Athéna, nous fait soupçonner une divinité "de circonstance", d’invention tardive.

Zeus s’unit à Métis, qui fut enceinte d’Athéna. Mais, selon l’oracle de Gaïa, la terre-mère, Métis devait enfanter une fille et son second enfant serait un garçon qui deviendrait plus grand que son père. Zeus, jaloux de sa puissance, avala son épouse et, lorsque le moment d’enfanter fut venu, il fut pris d’un furieux mal de tête et demanda à Héphaïstos (selon d’autres auteurs, il s’agissait de Prométhée) de lui fendre le crâne d’un coup de marteau. Alors, Athéna surgit du crâne de Zeus, armée et casquée, en poussant un cri terrible. Il semble que la mythologie soit en conflit avec sa propres chronologie : Héphaïstos était le fils de Zeus et de Héra, qui s’unirent bien après la naissance d’Athéna, ou même d’Héra seule, sans l’aide d’aucun mâle, qui l’aurait enfanté par dépit après la naissance d’Athéna.

Athéna, qui combattit avec Zeus et le conseilla au moment de la guerre contre les Titans, fut surnommée "Promachos", "celle qui combat en première ligne". Elle fait partie des 12 dieux olympiens. Dans l’Odyssée, pour appuyer l’importance de leurs dires, il est fréquent que les héros de l’histoire s’exclament : "Zeus père, Athéna, Apollon !"

Athéna, qui est sans doute très belle comme toutes les déesses, bien qu’un peu sévère, n’est pas, contrairement à Aphrodite, susceptible sur le plan de la beauté. Pourtant, elle participa au "concours de la pomme" : lors des noces de Pélée et de Thétis, la déesse de la discorde Éris fit rouler une pomme d’or, où étaient gravés les mots "à la plus belle", aux pieds d’Héra, d’Athéna et d’Aphrodite qui devisaient ensemble. Elles choisirents Pâris, le prince troyen, comme juge, et celui-ci élit Aphrodite, qui lui promit en échange l’amour de la plus belle femme du monde, la belle Hélène, reine de Sparte. C’est l’objet de l’un des plus beaux ouvrages lyriques français, et peut-être le plus drôle, la Belle Hélène d’Offenbach.

Mais le rire sera de courte durée, car cet épisode sera la cause de la guerre de Troie : Pâris enlèvera Hélène et les Grecs partiront en guerre contre Troie pour la récupérer. Héra, et surtout Athéna, se prirent de haine pour Pâris et pour toute la cité de Troie et, lors de la guerre qui suivit, les deux déesses intervinrent constamment dans le cours des évènement : Héra, depuis l’Olympe en tentant d’influencer Zeus ; et Athéna, sur le champ de bataille, au milieu des combats, pour ruiner les Troyens.

Pourtant, Athéna se retourna contre un Grec au cours du sac de Troie : Ajax, qui était à la fois vaillant et cruel, viola la princesse et devineresse Cassandre dans le temple même d’Athéna où elle s’était réfugiée. Elle submergea tous les vaisseaux d’Ajax lorsqu’il rentra chez lui et, empruntant sa foudre à Zeus, elle foudroya le héros sur le rocher où il se réfugia après avoir échappé au naufrage.

Plus tard, elle assistera alternativement Ulysse lors de son long périple qui le ramena de Troie à son île d’Ithaque, et son fils Télémaque, qu’elle poussa à partir à la recherche de son père, afin qu’il se tînt à l’écart des prétendants qui menaçaient de la tuer, et qu’il acquît, par ces voyages, connaissances et mérites.

Hésiode

Oui, revenons à ce bon vieil Hésiode, auteur de la Théogonie où est exposée de manière poétique la création de l’univers et la généalogie de tous les immortels. Il cite Athéna quatre fois :

– d’abord, en exergue, au tout début du poème, pour "attirer la bienveillance" des dieux sur son travail. Il appelle d’abord les muses, inspiratrices, auxquelles appartiennent toutes les créations de l’esprit, ensuite Zeus et son épouse Héra, et juste ensuite, Athéna aux yeux "glauques" (voir l’explication plus bas dans cette page), et avant Apollon et sa soeur "Artémis la chasseresse, Poséidon, frère de Zeus, qui entoure et ébrale la terre, la vénérable Thémis, Aphrodite à la noire paupière, Hébé à la couronne d’or, la belle Dioné, Eôs l’Aurore, le grand Hélios le Soleil… ",

– lorqu’il expose la généalogie des monstres nés d’Echidna et de Typhon ; c’est Athéna qui donna des conseils Héraclès pour vaincre l’Hydre de Lerne,

– lors de la création de Pandore par les dieux, elle pare la première femme d’une "blanche tunique", d’un "voile ingénieusement façonné, admirable à voir", de gracieuses guirlandes de fleurs fraîches et d’une couronne d’or forgée par Héphaïstos,

– enfin, il décrit la naissance d’Athéna, en tant que fille de Zeus et de la Titanide Métis.

 

Athéna et Athènes

Athéna devint déesse tutélaire d’Athènes, cité à laquelle elle donna son nom, ainsi que l’olivier, symbole de la paix, mais surtout source de prospérité, quand on sait l’importance, pour l’économie antique, de l’huile d’olive, qui était utilisée pour l’éclairage.

Le roi Cécrops de l’Attique, qui est la région d’Athènes, cherchait un nom pour la ville qu’il venait de bâtir. Poséidon et Athéna s’affrontèrent pour sa souveraineté : celui qui ferait à cette cité le plus beau présent serait le vainqueur. Athéna offrit l’olivier : à l’époque historique, on dit que les oliviers qui poussaient sur l’Acropole d’Athènes étaient les rejetons de ce présent divin. Poséidon frappa les rochers, et aussitôt jaillit un lac d’eau salée. Mais d’autres légendes parlent d’un magnifique cheval noir. Mais, que ce fût un cheval ou un lac d’eau salée, un jury composé de 12 dieux donna la victoire à Athéna. Ce qui rendit Poséidon fou de colère.

Le fils d’Athéna ?

Athéna, Érechtonios, Gaïa et le roi-serpent Cécrops

Gaïa présentant à Athéna l’enfant Erechtonios sous les yeux du roi-serpent Cecrops.

"Athènes, ville bien bâtie, le pays d’Érechthée au grand cœur, qu’Athéna fille de Zeus avait jadis élevé, et qu’avait enfanté la terre porteuse de froment. La déesse avait ensuite établi Érechthée dans Athènes, dans son temple opulent, et là, au retour des années, les jeunes Athéniens se le rendaient propice par des taureaux et des agneaux." Homère, l’Iliade

Athéna, déesse vierge (car, si elle avait enfanté, nul doute que son enfant aurait dépassé en force et en sagesse Zeus lui-même), eut pourtant un fils adoptif dont elle s’occupa.

Un jour qu’elle visitait la forge d’Héphaïstos, celui-ci se prit de désir pour la déesse et tenta de s’unir à elle. Comme elle s’écartait de lui, un jet de semence toucha sa jambe. Dégoutée, elle prit un morceau de laine, s’essuya et le jeta. Aussitôt que le tampon de laine toucha la terre, un enfant naquit, Érechtonios (ou Érechtée, selon les traductions), un être peut-être encore plus laid que son père.

Athéna confia la garde de l’enfant aux trois filles du premier roi d’Athènes et fondateur de la cité, Cécrops, le roi-serpent, avec interdiction d’ouvrir la corbeille où il était enfermé. Mais la curiosité fut la plus forte, et les trois filles, après avoir jeté un regard dans la corbeille, furent affolées par la laideur du monstre au point de se précipiter du point le plus haut et le plus escarpé de l’Acropole, où se dressait alors la citadelle d’Athènes.

Sur l’illustration, à gauche, on distingue la Terre-Mère Gaïa qui tend à Athéna le petit Érechtonios, en présence du roi-serpent Cécrops. Un temple de l’Acropole, l’Erechtéion, lui est consacré.

 

Les symboles, les yeux et les armes d’Athéna

Athéna est accompagnée d’une chouette, symbole d’intelligence (la chouette voit la nuit), et Homère, dans l’Iliade, la qualifie de déesse aux yeux "glauques", mot qui a donné lieu à plusieurs interprétations : yeux de chouette ("glaux, glaucos", la chouette, en grec), yeux bleus ou bleu-vert (couleur que l’on nomme également "pers"), yeux brillants. C’est cette dernière traduction que l’on retient maintenant, bien que la première s’accorde bien au symbole d’Athéna, la chouette, et que la seconde confirme les origines "berbères" de la déesse.

Armée, casquée, munie d’une lance et protégée par l’Égide, Athéna, déesse de la sagesse, apparaît aussi comme une déesse guerrière. Elle appuie les Grecs au cours de la guerre de Troie et Zeus accorde la victoire à ceux qui sont soutenus par sa fille préférée. L’intelligent Ulysse, pourtant à la merci de la mer et de Poséidon qui le déteste, finira par rentrer chez lui grâce à l’aide d’Athéna, qui n’hésite pas à descendre sur terre, sous une apparence humaine, pour inspirer Ulysse ou son fils Télémaque.

Mais qu’est-ce que l’Égide ? Le mot grec "aegis" désigne d’abord le peaux d’animaux dont se couvraient les guerriers, aux époques les plus reculées : elles étaient tannées, et on les portait dans le dos, nouées autour du coup par les deux pattes de devant de l’animal. En ce qui concerne Athéna, cet "animal" était la Gorgone, que tua Persée. Et on a vu qu’elle pourrait être aussi être la peau du dieu-bouc Pallas. Zeus porte aussi une égide, faite de la peau de sa chèvre-nourrice Amalthée (il attendit qu’elle meure avant de la dépecer…).

Lorsqu’évolua l’art de la guerre et celui de la métallurgie, et quand les guerriers commencèrent à porter des armures, on continua d’employer le mot "aegis" pour les désigner. Elle s’ornèrent de motifs gravés, et l’on représente Athéna, traditionnellement, avec une armure où est sculptée la tête de la Gorgone, et où sont figurés les serpents de ses cheveux.

 

Le culte d’Athéna

On avait consacré des temples à Athéna dans toute la Grèce. Ceux-ci étaient servis par des jeunes filles vierges. Outre Athènes, bien sûr, et le Parthénon, elle avait notamment des temples à Mycènes, à Tégée en Arcadie, à Chalcioecon en Macédoine… sans compter bien sûr le légendaire temple d’Athéna qui se trouvait à Troie et dans lequel les Troyens firent entrer le fameux cheval de bois. Le temple d’Athéna à Troie abritait une fameuse statue de la déesse, le Palladium. Dans le temple de Mycènes, on rendait des oracles. Selon la légende, c’est Apollon qui reçut de Gaïa les dons oraculaires, mais il n’en avait, semble-t-il, pas le monopole.

Les principales fêtes consacrées à Athéna étaient les Panathénées. Elles se déroulaient à Athènes, tous les ans pour les Petites Panathénées, et tous les cinq ans pour les "Grandes". Elles faisaient venir d’Attique de nombreux voyageurs et donnaient lieu à des joutes sportives et musicales, ainsi qu’à un banquet. Lors des Grandes Panathénées, les jeunes filles d’Athènes promenaient dans la ville le Peplos, ou voile brodé exécuté par les femmes d’Athènes durant l’année, pour le porter à la statue d’Athéna Polias. On peut voir dans les musées d’Europe, en particulier au British Museum, des frises sculptées, sorties des ruines du Parthénon, et représentant les défilés des Panathénées.