La basilique San Marco et le Campanile, par Canaletto

La basilique San Marco et le Campanile, par Canaletto

Monteverdi passera à venise les 30 dernières années de sa vie – de 1613 à 1643, années qui seront, à ses yeux, les plus heureuses. Période faste où, en tant que maître de chapelle à la cathédrale Saint-Marc, il est à la tête de la vie musicale d’une ville qui était restée, malgré son déclin, l’une des plus prestigieuses d’Europe sur le plan artistique. Il a pour élèves des musiciens qui deviendront célèbres à leur tour, tel Cavalli, qui prendra la relève comme compositeur d’opéras, ou Schütz, figure emblématique de l’Allemagne musicale baroque.

Dès son arrivée à Venise, en 1613, Monteverdi change de statut : il est admiré, adulé, respecté… et très bien payé. Outre sa charge à la cathédrale San Marco, il reçoit de nombreuses commandes de la part des notables vénitiens, tel le Combattimento di Tancredi e di Clorinda.

Ce ne fut pas une époque de tout repos, loin de là, et il reçoit sa dose de malheurs : la peste de 1630 le prive de l’un de ses fils, alors que l’autre, mauvais sujet, ne cesse de lui poser problème, et son frère bien aimé meurt en 1631. En 1632, ayant sans doute trouvé dans le sein de l’Eglise une consolation à son âme inquiète, il reçoit les ordres mineurs.

Toutes les partitions qui paraissent à cette époque sont d’une importance capitale sur le plan musical :

– les deux livres de madridaux, nommés "Concerto" (7e Livre) et "Madrigali guerrieri ed amorosi" (8e Livre), publiés respectivement en 1619 et 1638, encadrant une période étrangement silencieuse d’un point de vue éditorial, rompent définitivement avec le genre madrigal classique. Il s’agit de pièces avec accompagnement obligé, à 1 ou plusieurs voix, d’une instensité émotionelle et dramatique encore jamais atteinte sur le plan musical.

– malgré la perte de la plupart de ses opéras, il nous reste le Retour d’Ulysse dans sa patrie, une long discours "durchkomponiert", dont la modernité stylistique dérange encore nos oreilles contemporaines, et le Couronnement de Poppée, l’un des plus beaux opéras jamais écrits.

les Selva morale e spirituale, publiés en 1640, constituent un sommet de la musique religieuse (dont des enregistrements remarquables, très récents, nous font seulement aujourd’hui constater la beauté) et en quelque sorte, le resumé de son art sur le plan religieux.

Tout cela fait bien peu de choses pour une période de 30 années, pour un musicien qui devait honorer sa charge (on pense à Bach et à ses cantates hebdomadaires, dont 200 sont parvenues jusqu’à nous) et répondre à des commandes. Combien de partitions ont-elles été perdues ? Combien de chefs-d’oeuvre parmi celles-ci ?

Monteverdi s’éteindra, après un dernier voyage à Crémone et à Mantoue, en novembre 1643, à Venise, la ville qui l’avait tant fêté. Il sera enterré dans l’église des Fratri, et on n’entendra lors de la cérémonie aucune musique, seule celle des larmes.